Chapitre 4 – partie I

7 mins

    Une légère brise souleva les rideaux et traversa la pièce. Azilis s’éveilla et entrouvrit les yeux. Les rayons du soleil lui chauffaient la peau à travers les draps, lui procurant une sensation de bien-être très agréable. Elle parcourut du regard son environnement. La pièce, circulaire, s’apparentait à une chambre et était richement décorée. D’immenses tentures représentant des paysages boisés et fleuris tapissaient les murs, tandis qu’un épais tapis de laine brune trônait au pied du lit, contrastant avec le sol de marbre blanc. Pour sûr, la jeune fille était chez une personne riche.

    A la forme de la chambre, Azilis déduisit qu’elle se trouvait dans une tour et qu’elle n’avait, par conséquent, qu’une seule échappatoire : la porte. Après quelques secondes, la jeune fille tenta de se redresser. Cette initiative lui arracha un grognements de douleur et elle retomba aussi sec. La douleur réveilla instantanément ses derniers souvenirs, qui affluèrent dans son esprit de manière désordonnée. Les inconnus dans la cabane, la petite fille aux cheveux verts, le faucon qui parle, la furie noire, le poison …

    Cette dernière pensée lui fit l’effet de la foudre. Tout cela n’était donc pas un rêve. Elle avait rencontré Nuit noire et cette dernière l’avait mordu et empoisonné. La douleur, elle venait de là. Azilis porta instantanément sa main à son épaule gauche pour constater les dégâts. A sa grande surprise, la plaie était couverte d’un cataplasme de plantes fraîches, maintenu par un linge propre. La blessure n’était plus boursouflée, mais sa teinte verdâtre restait inchangée et la douleur, elle, avait quelque peu empiré.  La jeune fille constata avec soulagement que l’ensemble de ses autres petites plaies avaient été soignées et pansées avec précision, sans aucun doute par un médecin assidu et expérimenté.

    Azilis respira profondément pour détendre ses muscles et calmer ses pensées qui commençaient à s’emballer. La jeune fille se concentra pour remettre de l’ordre dans sa tête. Premièrement, elle était toujours en vie. Deuxièmement, une personne l’avait soignée, ce qui signifiait que le propriétaire du domaine ne voulait pas sa mort. Troisièmement, elle avait cruellement besoin de réponses. Azilis bascula sur son flanc droit pour se redresser en forçant le moins possible sur son épaule meurtrie puis balaya la chambre du regard. Il lui fallait d’abord trouver où elle était et pourquoi.

    La jeune fille se leva doucement, affichant une grimace de douleur. Elle constata avec joie que son sac se trouvait au pied du lit, aux côtés de sa ceinture et de sa dague. Azilis se saisit de ses affaires et vida le contenu du sac sur le lit, pour vérifier qu’il ne manquait rien. Elle poussa un profond soupir de soulagement. Tout son paquetage, bien que quelque peu abîmé, était là. La jeune fille se saisit du tissu gris et découvrit sa corne en ivoire. Elle l’observa quelques instants pour s’assurer qu’elle n’avait pas été détériorée durant son transport puis la replaça dans l’étoffe.

    Azilis rangea rapidement ses affaires avant de s’approcher des rideaux qui donnaient sur le balcon. Alors qu’elle s’apprêtait à soulever les voilages, des voix masculines lui parvinrent de l’extérieur. La jeune fille se colla au mur pour ne pas être vu et tendit l’oreille pour écouter la conversation qui se jouait en contrebas.

« …Ne tire pas de conclusions hâtives Paradox. Son état est stable et j’ai fais tout ce qui était en mon pouvoir pour l’empêcher de souffrir. Tu sais comme moi qu’il ne faut pas avoir trop d’espoir quant à sa survie.

– Les rares personnes qui sont venues à toi empoisonnées par une furie noire sont mortes avant même que tu ais pu les aider. Elle est spéciale. Je le sais, je le sens.

– Morgana doit l’aider, mais les chances sont trop faibles. Ou alors …

– Ou alors elles sont de retours. Ce serait signe de changements majeurs dans notre monde.

– Paradox, si elle survit, si .. si les étoiles sont réellement de retour, cela n’a rien d’une bonne augure. Ce serait une situation terriblement inquiétante…

– Ne sois pas si pessimiste mon cher ami. Ce monde a besoin d’un vent nouveau pour orienter ses voiles. Les Emporions le guide droit vers un gouffre, il faut que les choses changent. .. Je pars dans les plus bref délais pour Alcirst. Certains éléments m’échappent et je dois trouver une réponse fiable au sujet des étoiles. Prends bien soin de la jeune Nephily et garde la en vie. Morgana a débuté une partie qu’elle ne peut gagner seule, et cette fille a un rôle important à jouer. »

    Azilis n’entendit pas la réponse de l’autre homme tellement son cœur battait fort. C’était trop. Trop d’informations partielles, trop d’énigmes, trop de questions qui venaient de s’ajouter à sa liste déjà bien longue. Les voix s’éteignirent lentement, laissant la jeune fille seule, l’esprit plus embrumé que jamais. La situation n’avait rien pour la rassurer. Ce dit Paradox pensait qu’elle était importante alors qu’il ne la connaissait même pas tandis que son interlocuteur pensait qu’elle était vouée à mourir. Pourquoi ? et qui diable était cette Morgana et en quoi l’aidait-t-elle ? Plus de questions, et toujours aucunes réponses.

    La jeune fille repoussa lentement les rideaux et, après s’être assurée qu’elle était seule, s’avança sur le balcon. Devant elle s’étalait une forêt à perte de vue, clairsemée de rocs et d’habitations. En contrebas passait un chemin de pavés qui semblait faire le tour du bâtiment. Azilis se pencha légèrement par dessus bord et analysa ses possibilités. Le balcon était perché à plusieurs mètres de hauts et le mur de la tour était trop lisse pour qu’elle puisse y descendre. Les arbres les plus proches n’étaient pas assez solide pour porter son poids et il lui faudrait sauter loin pour atteindre une branche stable, ce qui était mathématiquement impossible dans son état.

    Azilis grogna. Elle n’avait aucune possibilité d’évasion par le balcon. Alors qu’elle réfléchissait aux autres options qui s’offraient à elle, certaines informations se connectèrent dans son esprit. Elle connaissait cette forêt, ce qui signifiait qu’elle se trouvait toujours en territoire tyséïque. Sa maison se trouvait donc à moins de cinq jours de marche en étant pessimiste. De plus, un nom avait retenu son attention dans la conversation qu’elle avait épié. “Êta”. C’était le nom d’un des quatres Emporions qui gouverne le monde, le nom de l’Emporion de l’ouest. Azilis savait à présent où elle se trouvait. Elle était dans la capitale du territoire tyséïque, Merelbia, la dite ville blanche.

    La jeune fille retourna auprès de ses affaires et les rassembla avant de prendre son sac et de se diriger vers la sortie. Elle voulait rentrer chez elle, et au plus vite. Son épaule était toujours raide et douloureuse, mais cela était beaucoup plus supportable qu’au moment de la morsure. Azilis s’approcha de la porte d’un pas décidé quand soudainement, elle suspendit son geste, la main à quelques centimètres de la poignée. Dehors, les branches avaient bougé et elle eut l’impression qu’on l’épiait. La jeune fille n’osa pas se retourner, priant pour que son pressentiment soit faux. Que pourrait-on lui faire si on la prenait en pleine tentative de fuite ? Elle ne préférait pas le savoir.

    Un claquement sec parvint aux oreilles à ses oreilles. Ce bruit, il ne lui était pas inconnu. Azilis se retourna lentement pour tenter d’apercevoir l’auteur de ce son. Devant elle, sur une grosse branche, se tenait un magnifique faucon qui la regardait avec insistance.

« Reste. Je t’en prie. »

    Encore cette voix dans sa tête. Azilis s’avança prudemment vers le balcon, sans quitter des yeux le grand oiseau. Il n’y avait aucun doute, c’était ce rapace qui l’avait embarqué l’autre nuit alors qu’elle était au bord de l’inconscience. La jeune fille put mieux l’observer à la lumière du jour. Son plumage était brun pommelé de noir, ses serres puissants abordaient une teinte jaune vif tandis que les petites plumes de son cou et de sa tête étaient entièrement grises, contrastant avec ses yeux d’un jaune perçant. Il est magnifique, pensa t-elle. Azilis n’avait jamais vu un faucon de cette taille. Mais ce qui la dérangeait le plus c’était son regard. Il dégageait quelque chose de différent, quelque chose d’humain.

    L’oiseau s’ébroua en quelques battements d’ailes et pencha légèrement la tête sur le côté d’un air approbateur. la jeune fille resta quelques instants à l’observer, fasciné par une telle créature. Puis, elle revint à la réalité :

« Merci. Pour m’avoir secouru hier soir. Je suppose que c’est toi qui m’a amené ici, alors merci. »

Le faucon acquiesça.

« Tu ne parle donc pas ? Il m’avait semblé entendre ta voix. »

Le rapace ne broncha pas, ses yeux braqués sur la jeune fille.

« Je dois devenir folle… Fichu poison. »

    Azilis fit demi-tour et regagna la porte de la chambre. Elle attendit une poignée de secondes dans l’espoir de réentendre la voix grave qui lui avait adressée la parole, mais rien ne vint. Elle soupira et secoua vivement la tête pour chasser ses pensées confuses mais la manoeuvre lui fit bouger l’épaule, lui arrachant un couinement de douleur. Une série de claquements de bec attira son attention et la jeune fille se retourna vivement, agacée.

« Quoi encore !? »

L’oiseau étendit ses ailes et durcit son regard.

« Tu ne survivra pas seule.

– Merci de l’information, je l’avais pas deviné !

– Tu dois rester.

Azilis se stoppa net, les yeux écarquillés. Elle fixa l’oiseau comme si il s’était changé en vache et balbutia :

– Tu .. Tu .. Tu parles. Tu parles .. dans ma tête.

Le faucon acquiesça une seconde fois.

– Mais qui es-tu ? Tu n’es pas un oiseau ordinaire !

– Pour sûr. Je suis différent.

– Tu ne réponds pas vraiment à ma question.

L’oiseau sembla réfléchir à sa réponse

– Zyel.

– Tu t’appelles Zyel ? Alors tu parles par télépathie, tu réfléchis, tu as un nom.. ta ressemblance avec les hommes est troublante .. Tu pourrais presque en être un.

– Possible. »

    Azilis resta un instant perplexe devant cette réponse, avant de se rendre compte qu’elle perdait son temps ici à tenter d’échanger avec ce rapace peu bavard, plutôt que de trouver un moyen de rentrer chez elle. Pourtant, aussi distant et froid qu’était le faucon, la jeune fille se sentait en sécurité de le savoir près d’elle et elle ne pouvait l’expliquer. Azilis chercha à lancer une conversation anodine pour gagner du temps, quand plusieurs coups résonnèrent sur la porte en bois, l’arrêtant dans sa réflexion. La jeune fille fit volte face et, ne sachant comment réagir, regagna le lit en vitesse sur lequel elle se recroquevilla, son sac serré contre sa poitrine.

    Après quelques secondes, le battant s’ouvrit et une petite fille aux cheveux vert apparut dans l’embrasure, les bras chargée de vêtements. A la vue de la nouvelle venue, Azilis se détendit un peu et se leva, tout de même méfiante :

« Que faites-vous ici, .. que me voulez-vous. »

L’arrivante déposa son fardeau sur les draps et afficha un sourire rassurant.

« Je viens prendre de tes nouvelles. Et j’ai aussi apporté des vêtements propres, les tiens sont en piteux état. Ils voulaient t’envoyer les servantes, mais j’ai pensé que tu serai plus rassurée d’être avec un visage qui ne t’es pas totalement inconnu. »

Azilis ne réagit pas tout de suite, scrutant le visage de la petite fille en se remémorant les souvenirs liés à elle. Cette dernière s’avança d’un pas, la mine légèrement soucieuse.

« Mon visage ne t’es pas étranger n’est-ce pas ?

– N.. Non. Je vous ai déjà rencontré. Mais il faisait sombre et mes souvenirs ne sont .. pas très fiables.

La petite fille retrouva son sourire

– Je suis Chaya Maïlys, mon ami t’a trouvé empoisonnée dans une cabane délabrée dans le sud de cette forêt.

– Je me souviens de ça. Mais je .. je ne comprends pas pourquoi vous me cherchiez, pourquoi vous m’avez amenée ici et pourquoi vous parlez sans cesse d’une certaine Morgana en me regardant moi. Je m’appelle Azilis et pas Morgana. Des milliers de choses m’échappent. Je .. je veux des réponses, et je suis certaine que vous pouvez m’en donner. »

No account yet? Register

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Lire

Plonge dans un océan de mots, explore des mondes imaginaires et découvre des histoires captivantes qui éveilleront ton esprit. Laisse la magie des pages t’emporter vers des horizons infinis de connaissances et d’émotions.

Écrire

Libère ta créativité, exprime tes pensées les plus profondes et donne vie à tes idées. Avec WikiPen, ta plume devient une baguette magique, te permettant de créer des univers uniques et de partager ta voix avec le monde.

Intéragir

Connecte-toi avec une communauté de passionnés, échange des idées, reçois des commentaires constructifs et partage tes impressions.

0
Exprimez-vous dans les commentairesx