Elle entre dans la pièce. Chevelures fournies toutes tissée de boucles brunes. Visage parcheminé de tache de rousseurs. De grands yeux attentifs captent les regards. Se posent sur moi. D’une démarche chaloupée elle se meut avec légèreté et célérité. Elle est là, devant moi. Me fixe. D’habitude ses facultés d’attention et de compassion attirent toutes les confidences sans même qu’elle le veuille. Cette fois, c’est différent. Quelque chose en elle de méconnu, une exaltation particulière, un empressement nouveau. Elle ne prend même pas la peine de m’embrasser et s’enquérir de mes nouvelles, comme elle a l’art de faire, en posant sa main et son regard attentif sur son interlocuteur. D’un coup d’un seul, sa voix envahit le silence de la pièce.
J’ai fait un rêve.
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– Roger, j’ai une confidence à te faire !
– Je t’écoute mon amie.
– J’ai fait un rêve.
– Un rêve, oui, tu peux développer ?
– Un rêve vraiment très étrange. Affolant.
– Un cauchemar ?
– Pas tout à fait. Curieux et excitant.
Elle se tait, pendant un silence très long. Je n’ai pas ses facultés d’écoute. Je ne sais pas trop comment réagir. Briser le silence. L’encourager à parler ? Je décide d’attendre, de ne rien dire. Je sens du stress dans son comportement. Je laisse venir.
– J’ai rêvé que je n’étais pas moi ! Que j’étais un homme. Etrange non ?
– Rêver d’être un homme. Plutôt singulier. Et ça fait quoi d’être un homme.
– Si tu savais.
– En fait je sais ! Mais pour une femme cela doit être étrange, en effet.
– A qui le dis-tu ? Surtout cet homme-là.
– A qui t’identifies-tu, donc? Qui est cet homme mystérieux?
– A toi !
J’aime beaucoup la chute !