Par delà le Bien et le Mal

2 mins

Nous dominions Füssen *, comme des loups guettent des villages encore fumants. Je croquai ma pomme et me réjouis devant l’horizon. Nous contemplions ce qu’aucun peuple n’a su créer en 19 siècles : la Bavière. Le vertige me prit lorsque mes bottes s’inclinèrent devant le précipice. Rusco haletait derrière moi : – Il va falloir y aller Fred! – N’ai-je pas insisté pour que l’on m’appelle “capitaine”?

Oubliant ce méchant malentendu je vibrais à la vie, m’imaginant déjà rétablir l’harmonie. Je rangeais mon arme, un soufflant de petite taille, et ordonnait à mes camarades d’aller en bas, vers la ville par la forêt. Le pique-nique terminé, le ciel nous ordonnait de nous battre, nous aurions mal fait de rester plus longtemps. Alors nous descendons par delà les chemins, les petits sillons, et les vastes sentiers. Nous avons un paysage wagnérien pour compagnie et horizon. J’observe, en marchant le vêtement de mon voisin. C’est un haillon ! Nous sommes tous pauvres, misérables, et mal crottés. Une mèche grasse sur le front de Philibert indique où se trouve la ville, et par la même occasion, la médiocrité de nos existences. Le cuir de ma ceinture prédit ce qui adviendra là-bas, au niveau de l’usine, le “palais de charbon”. Elle me sert extrêmement. Je regarde Rusco, nous sommes fiévreusement ambitieux.

Nous avons tôt fait de nous séparer, ils me laissent devant “la grande porte”. L’obscurité et la noirceur me privent de mes camarades, je suis avalé par le monde des ténèbres. Seul et abandonné avec ces machines, je suis bagnard d’une usine de coupe-papier. Témoin de bruits qui sifflent et ronronnent, les couloirs sont comme les fourches d’un palais. Hier encore nous travaillions, maintenant je m’apprête à provoquer le destin. Peu importe la gravité, je donnerai tout pour faire tomber le maître. Soudain je m’arrête net dans la salle des machines, un bruit métallique vient s’ajouter au concert philharmonique des vapeurs et des fumées. C’est lui qui vient, je l’entends arriver. Ses grosses bottes font résonner la cage d’acier. Quand il me voit il a l’air surpris de croiser ce jeune homme si audacieux, le maître de la pensée face au maître des pistoles. Par delà les outils qui sont posés sur l’établi je saisis mon propre soufflant et lui transperce la poitrine. Il a tout juste le temps de souffler – Pourquoi t’es-tu révolté, Nietzsche ?

Füssen* = magnifique ville en Bavière

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