Il est jeudi, je suis seul. La maison est déserte, mes parents sont partis travailler, ils ne rentreront que très tard ce soir. Une copine est venue chercher ma sœur pour passer l’après-midi ensemble. Je refais consciencieusement le tour de la maison pour m’assurer qu’il n’y a pas âme qui vive. Parfait ! Personne à l’horizon.
Je me dirige tout droit vers la table basse du salon et y déniche le catalogue printemps-été 1968 de La Redoute laissé là hier soir par ma mère. Je détaille un instant la couverture.
On peut y voir une jeune maman et sa fille, toutes deux vêtues d’une robe courte bleue à long col blanc pointu. Elles sont au milieu d’un joli jardin, elles se tiennent la main. Un peu plus loin, un garçon en short bleu et chemise blanche à manches courtes s’amuse avec un chien. Au premier plan, posés sur une table en bois exotique, des verres de jus de fruit et un bouquet de fleurs. Ils ont l’air heureux.
Je ne m’attarde pas. J’ouvre le catalogue directement à la page 153. C’est à partir de là que le voyage initiatique commence. Je les connais par cœur ces pages, des après-midi entiers à les effeuiller à l’abri des regards moqueurs des grands.
Les pages lingerie féminine : une dizaine de pages de dames entièrement dévêtues, source inépuisable de phantasmes pour le jeune garçon que je suis. Je les détaille toutes, les brunes, les blondes… elles sourient.
Je m’attache au moindre détail, la forme ou la couleur des dentelles, la couleur des petits nœuds qui font joli, la transparence des culottes au travers de laquelle j’espère apercevoir quelques mystérieux poils, ou bien encore celle d’un soutien gorge qui me laisserait voir l’auréole d’un téton.
Premiers émois érotiques qui traversent mon jeune esprit, peur de se faire surprendre, sentiment de culpabilité, impression diffuse que ce que je fais n’est pas bien.
Je n’ai jamais osé en parler avec ma sœur. Je me demande si elle aussi fait la même chose côté pages garçon.
Texte très bien écrit et précis sur cette tranche de vie des jeunes garçons. A voir comment ça se transpose maintenant au 21ème siècle. Intéressant de voir votre vision à l’époque : "Premiers émois érotiques qui traversent mon jeune esprit, peur de se faire surprendre, sentiment de culpabilité, impression diffuse que ce que je fais n’est pas bien. Je n’ai jamais osé en parler avec ma sœur. Je me demande si elle aussi fait la même chose côté pages garçon."
La transposition à notre époque ? Je ne crois pas que ce soit la même chose car il y avait aussi l’imagination !! on ne pouvait pas tout voir ..et ça en faisait aussi le charme ..