Chapitre 1 Athénéïse

5 mins

   Hello Madame!… Oui vous: flamboyante poétesse! Que je sais voir en Dame rêveuse. Puisqu’il me semble bien que votre regard scrutateur est plus joli que des diamants pers, et qu’alors, lorsqu’il se porte haut vers les cimes verdoyantes de cette forêt si joyeusement animée, il n’est aucun doute que le ciel sait l’enivrer de ces éclats merveilleux qui filtrent entre les feuillus pour descendre, jusqu’à vous, généreusement gorgés par le soleil, votre complice, à chaque fois que sa lumière joue à saute-nues, comme si bondissant, jusque par-dessus les toits de tuiles vernissées d’un grand manoir, que peu d’êtres à ce moment savent voir…

   Il reste que la nuit venue, tout devient différent. Et pourtant là encore, sous vos pieds mignons, il apparaît que la nature et la mousse font union pour vous choyer plus qu’à l’habitude. Déroulant pour vous seule un joli tapis vert, tissé de douce précaution… Mais saviez-vous la belle, que la clarté lunaire anime ainsi le corps des fées confidentes? Les devinez-vous cachées dans le sous-bois? À la vérité, vous ne sauriez ignorer qu’elles y voient briller comme vous-même, au bout de ce tunnel naturel, l’image d’un espace sans ride… Une étendue aquatique. Un lac au calme si étrange et sombre, que cela pourrait bien se révéler aussi troublant que vous… En entité vivante! Car garante! Et même, sans que vous le sachiez, agissant en protectrice de ce lieu qui se peut croire invisible à d’autres humains que vous… Et puis, sauriez-vous dire encore, pourquoi vos pas si précieux de mouvements dans ces lieux de paradoxes, vous conduisent obstinément en cet endroit? Non…, vous l’ignorez…? Cependant, s’il se fait que vous êtes ici, il se pourrait peut-être, qu’alors ce soit votre esprit, ou bien encore, celui d’un autre, aussi bienveillant qu’un ange, qui vous y conduise…

   Hélas ma Dame! Ce lac, vers lequel vous allez, est d’autant plus mythique, qu’il ne se révèle qu’à de rares moments où l’imagination se trouve décuplée par l’éclat diffus de la lumière solaire que nous renvoie la lune. Alors qu’une face entière de Gaïa se trouve empêtrée dans une ombre qui lui est propre. Et même…, si cette fois encore, l’étrange barcasse au ventre plat est venue seule, agissant comme le ferait une avenante caravelle sans capitaine, sans mats ni voilure, glissant délicatement tel un signe blanc qui aurait été posé là, sur l’eau noire, par un elfe malicieux, mais n’allant cependant vers vous, que pour s’arrêter juste à vos pieds… Vous craignez pourtant ma jolie d’embarquer pour l’autre bord du miroir liquéfié…

Alors, se fondant en votre esprit, l’image s’impose en possible naufrage. Et voici qu’à nouveau votre rêve d’amour s’étiole.
Ces tendres écrits, que vous rédigiez encore tout à l’heure, sont autant de feuilles pareilles à celles qui meurent à la fin de l’été. Ne sachant trouver l’ascendant du bonheur qu’ils cherchent à émouvoir, les voici tombant de vos mains. Lesquelles se sont inconsciemment ouvertes. Peut-être en raison d’un dépit qui vous assaille. Cela produisant derrière vous un jalonnant semis de papier qui atteste de votre chemin d’amour.

   Car nos espoirs se meurent parfois, par monotonie. Ils sont comme la parure des grands végétaux à l’automne, lorsqu’elle s’apprête à tomber en les laissant engourdis. Ce sont autant d’entités mordorées attirantes de sentiment pastoral, qui vivent encore le temps d’un dernier automne, mais qui n’en finissent pas moins autrement que foulées au pied…

Cependant, Éole il me semble, ne vous confia-t-il, Madame, un autre soir d’été, que quelques lucioles amies seraient toutes prêtes à collaborer pour colporter plus brillamment encore, vos déjà bien lumineux mots!?…

   Il peut sembler que tout cœur qui bat comme tambourinaire horloger, ne soit alors rien d’autre en devenir, qu’une pauvre proie de chair palpitante. Une pauvre chose. Certes vitale. Mais offerte. Comme posée, dans le creux de la main d’un destin chagrin qui la broie à dessein.

Pourtant ce soir, la blanche barque, traversière enchantée, semble vous inviter à monter plus qu’hier à son bord. D’ailleurs, il est juste de penser que si elle vient seule, comme obstinément, jusqu’à vos pieds, et sachant qu’elle agit pareillement à chaque fois que vous venez, c’est qu’elle est forcément consentante… Alors, enfin, voici que vous en convenez et que vous-vous êtes décidée… et qu’à peine vous êtes-vous installée sur la banquette de bois capitonné de cuir rouge, posée en son milieu, que l’eau noire, cette autre nature se montrant étrangement conciliante envers vous, a doucement porté sans encombre l’esquif et sa passagère… lors vous voici même étonnée d’atteindre déjà la rive opposée!
Sitôt que vous eûtes accostée, vous enjambiez le plancher approbateur de l’autre embarcadère bien arrimé: puis vous avez emprunté le court sentier. Il a conduit votre pas sans encombre.

Votre corps semble mu par une mécanique résolue. Et c’est ainsi qu’à présent vous vous dirigez vers la lumière… au bas d’un perron, un vaste escalier vous propose d’accéder à l’entrée d’une grande bâtisse… C’est à ce moment précis qu’il vous a semblé d’avoir soudain changé de monde… Un peu comme si vous aviez franchi le pas d’une limite intemporelle.

Depuis que vous êtes arrivée jusqu’ici, il en résulte que l’instant, à la fois redouté et désiré, vous apparaît maintenant comme la métaphore d’un destin particulier… Sans le savoir, vous venez de pénétrer le croquis qu’un dieu artiste vient tout juste de crayonner à la hâte. Vous voici au cœur même d’une situation imagée plus qu’imaginée. Et puis, peut-être que le divin dessinateur vous conduit ainsi vers un autre qui lui est supérieur, afin qu’il bénisse et autorise la situation engendrée par votre témérité. Mais tout cela pourrait n’être que le fruit de votre imagination. L’image pourrait n’être née qu’en raison d’une trop brûlante passion?

Dans ce décorum, vous regardez craintive, l’esquisse d’une menuiserie dressée comme une barricade obstinée. Et de nouveau, la réussite de l’épreuve vous semble remise en question par cet obstacle infranchissable. Cela s’affichant démesuré. Tout là-haut! La porte vous semble gigantesque. Et probablement verrouillée! Certainement bien scellée dans son espace emmuré…

Allez ma Dame! Vous êtes superbe de courage! Oubliez tous ces froissements inquiétants. Ils ne sont que le fait de petits êtres invisibles vous épiant gentiment, comme autant le feraient quelques farfadets certes chahuteurs… mais dites-vous pour vous rassurer que ce pourrait être aussi bien l’espiègle rejeton d’Aquilon. Vous pensez qu’il s’amuse de vous voir si intimidée? Mais toutes ces feintes ne sont que le fruit fortuit de quelques feuilles défuntes, tombant naturellement des arbres, jusqu’à atteindre les fourrés pour y dormir à jamais… Et puis vous ne sauriez maintenant reculer. Alors, montez donc à présent cet escalier bancal. Faites cela avant que tout ne s’arrête de cet équilibre bienveillant! Quand bien il vous semblerait devenir pire: même si le silence se fait entendre, ce pourrait bien être par complicité. Un peu comme si le temps lui-même serait soudain suspendu. Comme l’est à présent votre souffle. Hésitant, comme vous, entre angoisse et jubilation… se percevant à tel point que l’on n’imagine alors plus rien que la présence du néant… un néant empreint de noire solitude. Qui hurlerait par inculture succube. Perdu dans l’absolu nocturne. Victime de sa propre hébétude. Et qui ne serait troublé que par le bruit assourdissant que produisent dans vos veines, les pulsions sanguines de votre cœur désordonné, à présent dominé par le rythme ascendant d’un émoi amplement justifié…

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