Le papier peint rappelait les années qui s’étaient écoulées depuis qu’ils avaient fui. C’était tout ce qui leur restait : cette pièce de 9m² recouverte de papier peint jaune qui avait jauni. Nana nous racontait des histoires le soir en se disant que de cette façon on n’oublierait pas ce qui s’était passé, on apprendrait du passé. Mais à onze ans, on n’a pas encore l’esprit assez ouvert pour comprendre les sous-entendus des vieux. Jelly-B, qui pourtant avait deux ans de plus que moi, ne semblait pas mieux comprendre. Les grands-mères racontent toujours des contes assez hallucinants à leurs petits-enfants, mais on sentait bien que ceux de Nana n’étaient pas que de simples histoires du soir.
Il était alors 23h03 lorsque grand-père m’a envoyé un texto pour que l’on se retrouve devant la gare de Karnas. Nous avions pris nos sacs-à-dos et nos torches avant de foncer vers la gare pour prendre le dernier train qui nous emmènerait à la sortie de la ville. Il n’y avait déjà plus d’éclairages publics à mi-chemin, mais on se repérait à l’aide des éclairs qui commençaient à doucement déchirer la nuit…
Nana prenait toujours une grande respiration après cette phrase-là, comme pour se donner du courage pour la suite. Jelly-B en profitait pour feindre le sommeil et il ne restait plus que moi pour écouter. J’étais en quelque sorte le futur auteur de son histoire. Parfois je prenais une feuille et un crayon pour noter, d’autres fois je m’allongeais et j’écoutais simplement son récit.
On a marché durant des heures après avoir assisté à la disparition de Karnas, et la ville la plus proche était à des semaines de marche. On a tenu bon en se disant qu’on devait le faire pour ceux qu’on avait laissé derrière nous. On avait pourtant tenu à les prévenir, mais on ne pouvait pas les forcer à partir de chez eux. La grande prêtresse avait prédit le déferlement, on l’avait lu quand on était plus jeunes : la mythologie Arkasienne évoquait l’invasion qui aurait lieu la nuit de la lune noire. La veille au soir, on avait essayé de prévenir les voisins, tous ceux que l’on croisait, et les autorités, on avait essayé de leur dire que ce n’était pas qu’un gros caprice de la météo mais quelque chose de bien pire. On nous a ri au nez et renvoyés comme des malpropres parce qu’on n’avait que seize et dix-sept ans à l’époque ; deux adolescents avec trop d’imagination.
C’est fluide et facile à lire, et je ne m’attendais pas du tout au dernier paragraphe
Bravo!