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(J’ai eu l’idée de cette nouvelle en discutant avec une amie.)
Clotilde était assise dans le tramway. Elle venait de passer en troisième année de licence de lettres classiques. Et ce matin, elle était en retard. Elle avait presque 20 ans, était rousse avec de longs cheveux ondulés qu’elle retenait avec un serre-tête en velours vert. Ce matin là, elle portait une petite chemise blanche avec un col claudine cachant à peine une petite croix en or que sa marraine lui avait offerte pour sa première communion, et une veste en velours (parce qu’il fait un peu frais en ce matin de septembre) avec au revers une petite fleur de lys. Elle n’était pas vraiment royaliste militante. Mais un retour à la monarchie ne lui aurait pas déplu. C’était presque une tradition familiale. Et cela correspondait chez elle à une vision quelque peu romantique de l’ancien régime, où les détenteurs du pouvoir étaient tenus par un sens du devoir, de l’État et une capacité à verser leur sang, contrairement aux bourgeois et aux Versaillais qui avaient enfanté la IIIème République. La lecture de Georges Dumézil l’a beaucoup influencé en ce sens. Son père avait eu une petite émotion en lui offrant la traditionnelle chevalière pour son dix-huitième anniversaire. Le blason en losange évidemment pour une demoiselle, et portée à l’auriculaire gauche. Sa jupe bleue impeccablement plissée repassée la veille par Ernestine dévoilait à peine son genou lorsqu’elle était assise. De peur d’une panne de tramway, comme cela arrivait assez souvent, elle avait mis des chaussures assez confortables pour marcher sur une longue distance. Des mocassins noirs, soigneusement cirés, avec des talons plats. Et alors que le trajet depuis la maison de ses parents était long et monotone, elle avait sorti un livre pour ne pas s’ennuyer. Une histoire tout à fait scandaleuse. Le bonheur est dans le crime de Barbey d’Aurevilly. Son professeur de littérature en terminale l’avait évoqué, et elle avait été choquée par le sujet à l’époque. Mais l’intrigue lui était restée dans la tête. Enfin, ce matin, elle osait s’y mettre. Et le voyage, malgré le retard évident du tramway, bondé d’étudiants comme toujours en ce début d’année, jusqu’à ce que les partiels de janvier ne découragent les moins déterminés, se passait à merveille grâce à la lecture. À part une chose. Cette fille. Cette fille qui ne cessait de la regarder. À moins que ce ne fût dans sa direction. Non, c’était bien elle qu’elle regardait. Pourquoi regardait-elle Clotilde ? En plus elle avait mauvais genre. Les cheveux hirsutes, les yeux lourdement maquillés en noir. Un collier ras du cou, noir, en cuir vraisemblablement. Qui porte ça franchement ? Clotilde n’en voyait pas plus dans la foule des étudiants remplissant le tram ce matin. Et lorsqu’ils arrivèrent enfin à l’arrêt Montaigne-Montesquieu pour descendre, elle la perdit de vue. Oui, ce matin, sa lecture avait été perturbée. Par cette fille, à qui elle jetait des coups d’œil.
Coquilles : bondé d’étudants comme …,
les partiels de janviers …
Je vais lire la suite, tu as réussi à titiller mon envie de savoir qui est cette deuxième fille et que va penser Clotilde du livre !!!