La plage était d’un calme absolu. Aucun touriste n’y avait encore posé les pieds. A huit heures du matin je m’étais décidé de partir nager quelques temps. Bien que l’eau n’atteignait pas la même température que la Méditerannée, mon corps était habitué à supporter la fraîcheur de l’océan Atlantique.
J’effectuais quelques longueurs en brasse, crawl et papillon. Je n’avais aucune difficulté à les maîtriser. La natation avait été mon sport favori pendant sept ans et même si mes cours s’étaient arrêtés, je venais pratiquer quand l’occasion se présentait. Lorsque je nageais je me sentais comme coupé du monde, une sensation de liberté, qui se terminait lorsque le regagnais la terre ferme.
Cependant je ne pouvais m’éterniser, du travail m’attendait. Une fois sorti et rhabillé, je pris mon vélo et me dirigea vers la boutique qui m’employait durant ses deux mois d’été : Surf & Co . Cette boutique se spécialisait dans la location de surfs et bodyboards et vendait des produits divers et variés comme du matériel de plage.
« Salut Franck ! Dis-je d’un ton jovial en entrant.»
Mon patron me répondit en retour et me serra la main. Il m’indiqua qu’il y avait du rangement à faire et que nous devions nous y mettre rapidement. Les premiers clients arrivèrent quelques minutes après mais nous avions terminé à temps. Ce qui ressemblait à un bazar sans nom était maintenant présentable. Bien que très aimable et professionnel, Franck était du genre à tout faire à la dernière minute. Des dizaines de cartons traînaient depuis hier soir mais il s’était dit qu’une fois arrivé au petit matin il s’en occuperait. J’étais visiblement arrivé à temps.
« Bonjour dis-je poliment aux personnes venant de rentrer. Comment puis-je vous aider ?»
Cette phrase, je la prononçais des centaines de fois par jour, c’était devenu automatique chaque fois que quelqu’un franchissait la porte. Cette fois-ci, je tombais sur un couple souhaitant surfer. Je leur demandais s’ils avaient déjà pris des cours. Je me renseignais toujours sur le niveau des clients. Je me sentais responsable s’ils leur arrivaient un incident avec un des surfs en provenance de la boutique. Si c’était la première fois qu’ils en pratiquaient, je leur conseillais plutôt de prendre des cours mais s’ils refusaient, c’était à leurs risques et périls. Je leur donnais au moins quelques conseils de base, afin qu’ils aient plus de facilité une fois sur l’eau. Mais cette-fois ci je parlais à des spécialistes. Je me contentais alors de donner les tarifs en fonction des horaires. Une fois la transaction effectuée, je les saluais. Cela faisait maintenant un mois que je travaillais ici. J’avais acquis de bases d’un bon commerçant.
La semaine se termina rapidement et j’en étais satisfait. Bien que mon travail m’occupait la journée, il était aussi agréable d’y mettre un terme quelques heures. Et ces instants, c’était le week-end et il venait de démarrer.
Je rentrais à vélo jusqu’à mon domicile. J’habitais les Landes plus précisément à Biscarrosse, une ville active durant la saison d’été, c’est à dire en ce moment. Le reste du temps c’était plutôt calme, trop d’ailleurs. Mais je ne m’ennuyais pas. J’avais mon confort et ma vie. En ce moment, j’admirais ce beau temps qui m’entourait. Le seul inconvénient qui rendait cet instant moins agréable était le bruit incessant des véhicules. Mais c’étaient les personnes à l’intérieur de ces véhicules qui faisaient vivre notre commune. Un mal pour un bien sans doute.
Une fois arrivé, je m’écroulais sur le canapé, satisfait. A côté de moi, Bastien, mon frère de quatorze ans pestait contre la Play Station que mes parents lui avaient offert à Noël. Je lui souriais pour l’énerver davantage lorsqu’il se tournera vers moi, c’est ce qu’il fit et j’en fus d’autant plus amuser.
«Tu y as passé la journée ? demandai-je.
– Ouais me répondit-il d’un ton nonchalant, celui qu’il avait lorsqu’il perdait une partie.
– Tu sais ou est Sarah ?
– Je crois qu’elle est sorti me répondit-il.»
Sarah était ma sœur cadette de deux ans. Depuis cet été elle ne cessait de vagabonder que ce soit seule ou avec ses amies. Nous ne la revoyions que certains soirs lorsque ses copines ne voulaient plus la nourrir ou la loger. Quant à mon frère il en était l’exact opposé. Il passait le plus clair de son temps devant un écran. Pour moi ce comportement n’avait rien de choquant. Pour mes parents en revanche, c’en était de trop. Mais que pouvaient-ils faire quand ils n’étaient pas à la maison pour le surveiller ? Ils se faisaient du mal pour rien. Bastien avait des résultats scolaires corrects et sortait avec sa bande le week-end. Pour moi il n’y avait aucun soucis à se faire.
« Bon tu diras aux parents que je ne mange pas là ce soir et que je ne reviendrai que le lendemain ok ?
– Tu es au courant que tu as un téléphone et que tu peux leur envoyer un message me dit-il d’un ton las.
– Je sais répondis-je. Mais j’adore t’énerver!»
Sur ce je me remis sur mes roues et me dirigea jusqu’à une grande maison à trois étages. Je sonnais à la porte. J’attendis une minute avant qu’une tête ne se montre.
« Salut vieux je t’attendais me dit-il en m’invitant à rentrer.»
Cet endroit je ne le connaissais que trop bien. Et mon hôte également. Il s’agissait de Seb, un ami que je connaissais depuis la 6ème. Bien que ses parents aient par la suite déménagés et qu’il s’était retrouvé dans un autre établissement, nous ne nous étions jamais séparés.
N’étant pas du genre sportif, Seb était davantage porté sur la musique. Il pratiquait la batterie depuis plus de dix ans et s’était constitué un groupe. Pour ma part, je m’en sortais à peu près en guitare. J’avais pris celle de mon père et m’était débrouillé pour apprendre quelques morceaux basiques mais sans plus. Lui possédait une grande salle de musique, digne d’un studio d’enregistrement au dernier étage, et nous y passâmes le temps que les autres convives nous rejoignent. La première sonnerie retentit.
« Salut nous dit Maeva notre troisième membre de la bande. Je suppose que personne n’est encore arrivé.
– Et non on a la maison pour nous tous seul ! s’exclama Sébastien »
Maeva était dans le même lycée que nous, c’est là que nous avions sympathisé. A partir du moment ou elle est entrée dans notre cercle, notre réseau à considérablement augmenté. Elle connaissait une grande partie de l’établissement et comme nous l’avions de notre côté, nous profitions de ses contacts. Si tant de monde venait ce soir, c’était en grande partie grâce à elle. Et c’est en pleine partie de Kinect que la sonnerie se fit entendre de nouveau. Il était vingt heures passée, la soirée allait débuter. Les bouteilles d’alcools dans les mains des nouveaux venus confirmèrent mes pensées.
Je saluais Romain, Camille, Charles, puis on alluma l’enceinte de Seb. Celui-ci venait de rouvrir sa piscine extérieur. L’eau était chauffée et il avait prévenu les convives d’apporter le maillot de bain. Un tel atout motivait les gens à venir ici. Personnellement je ne voyais pas l’utilité d’en avoir une alors que je pouvais accéder au bord de mer. Mais je ne me plaignais pas de pouvoir faire un saut dans l’eau quand l’envie me prenait. J’éviterai seulement de dégurgiter dedans si je venais à m’abreuver suffisamment. Pour avoir vécu l’expérience une fois, je savais de quoi je parlais.
Pour le repas Seb s’était mis au défi de faire des galettes. Pour lui qui ne faisait que réchauffer une boîte de raviolis, c’était un grand pas. Certaines furent beaucoup trop cuites et je vis que cela l’agaçait. Mais les gens s’en fichaient. L’alcool avait commencé à coulé à flots. Ils auraient mangé un torchon sale, personne n’auraient senti la différence. Il était encore tôt mais ils avaient l’alcool facile.
Je le complimentais pour son effort. Il s’était donné du mal et je voyais bien sa déception, étant donné que personne ne lui avait fait part de sa gratitude. L’heure était trop tardive pour que les gens mangent sobre.
Une des voisines vînt se plaindre du bruit incessant. Nous la connaissions très bien. Il s’agissait de Mme Verneuil, une vieille femme vivant avec une dizaine de chats. Elle ne cessait de nous répéter de baisser le volume, et comme nous ne voulions pas d’ennui avec la police, c’est ce que nous
faisions. Cette fois-ci elle paraissait encore plus en colère et une fois de plus nous devions nous plier à sa volonté. En sachant qu’elle se réveillait à minuit passé pour venir nous faire face, nous savions qu’il ne fallait pas la contrarier.
« C’est la dernière fois que je vous préviens dit-elle d’un ton menaçant.»
Sébastien la salua poliment, mais une fois la porte refermée, il l’imita et je ne pus m’empêcher de lâcher un fou rire. Même si le son diminuait, la musique perdurait. Certains avaient démarrés un bière-pong et d’autres buvaient leur verre dans la piscine. Sebastien leur précisa que s’il voyait de la vodka ou autre alcool rentrer en contact avec l’eau, il les tuerait.
Nous nous servîmes à notre tour et cette fois-ci pour de bon. Les vacances d’été, le moment parfait pour profiter du soleil et de la fête, sauf peut-être pour les quelqu’uns qui dormaient déjà, avachis contre le sol. Mais nous étions bien lui comme moi, assis tranquillement sur ses transats. Au bout de plusieurs heures qui me parurent des minutes, tout était devenu si calme. Le ciel étoilé était magnifique et personne ne pouvait nous gâcher cet instant si précieux.
« Tu va me manquer quand tu va partir me dit Sebastien son verre à la main.
– On a encore un peu de temps répondis-je.»
Je partais en effet. Dès le mois de Septembre, je commencerai une nouvelle vie. Sciences Po m’attendait dans la ville de Lyon. En raison de mes bons résultats et de mon investissement scolaire, les professeurs m’ont recommandé la préparation au concours le mercredi après-midi. J’ai suivi leur conseils et cela s’était plutôt bien passé. Finalement, l’examen fût une réussite et le campus qui m’était proposé était celui de Lyon. Quant à Seb il partait continuer ses études en DUT sur Bordeaux. Cela me déchirait le cœur de savoir que l’on serait séparés, mais je n’en disais rien. J’essayais d’ailleurs de ne pas trop y penser. Cette idée m’effrayait à l’évidence. Je quittais mon monde pour en découvrir un autre. Intéressant certes, mais aussi angoissant.
Je bus une gorgée pour penser à autre chose. Je sentis alors mes yeux se fermer doucement et l’obscurité s’agrandir devant moi.
***
Dès le lendemain j’aidais Seb et les invités à remettre en ordre la maison. Le nombre de bouteilles présente au bord de la piscine fut incalculable. Malgré tout, nous avions terminé rapidement et je pus rejoindre ma famille pour le repas.
«Alors fiston comment c’était hier soir ? me demanda mon père une fois à table. Nous mangions des steak haché pommes de terre et c’était succulent. J’étais trop concentré sur ma nourriture pour avoir une conversation.
– Bien répondis-je entre deux bouchées.»
Mon père, David, était commercial dans une boîte d’import-export. Assise en face de lui, ma mère, Diane, travaillait comme gérante d’une boutique de vêtement. Leur situation était plutôt stable, même si leur salaire pouvait changer en fonction du temps. Nous ne manquions de rien, l’importance était là.
« Et le boulot ? Franck est toujours aussi dans la lune ?»
Franck et mon père se connaissaient. J’avais obtenu ce job grâce à lui. Je pratiquais le surf et un jour pendant une compétition, Franck m’avait trouvé bon. Il s’était approché de mon père pour lui parler de moi et une chose en entraînant une autre, la vie les as fait devenir amis. Lorsque je fus en âge de travailler, mon père a simplement contacté Franck. Nul besoin d’envoyer de CV ou de lettre de motivation. Ayant été pris à l’essai et réussissant à faire mes preuves, j’étais parfaitement opérationnel.
« Oui répondis-je. Il a oublié de déballer les cartons.
– Sacré Franck dit-il en souriant. Décidément !
– Je sors avec des amies ce soir dit Sarah qui mangeait avec nous son seul repas de la semaine.
– Pas besoin de le préciser dit Bastien d’un air moqueur. Tu es aussi présente que la victoire des Belges en coupe du monde !
– Peut-être mais je pense que ta vie sociale laisse à désirer rétorqua-t-elle. On peut demander à ta manette mais tu l’as sans doute cassé de rage lorsque tu as perdu ta millième partie !
– Pas besoin de ça à table vous avez toutes les vacances pour vous crêper le chignon dit ma mère qui jusque là restait silencieuse.
– Bon est-ce que ça vous tente un cinéma ce soir ? demanda mon père. Il était à n’en pas douter, un grand fan de film.
– Perso je n’ai rien de prévu ce soir répondis-je. Seb pouvait à tout moment me joindre pour recommencer ses éternelles soirées, mais vu son état de ce matin, je doutais fortement de son appel. Et puis les moments entre famille devenaient plus rare. Je partirai bientôt et il ne fallait pas manquer une occasion.
– Je peux rejoindre mes amis plus tard dans la soirée dit Sarah. Vous allez me reprochez de ne jamais être là sinon !»
Si ma sœur venait, le moment était idéal. Le soir même nous assistions à Bad & Blood, un film centré sur un policier de Los Angeles qui se bat contre des criminels et une justice corrompue. J’appréciais les films d’actions, ma mère en revanche semblait moins fan. Mais le restaurant juste après la séance vint combler ses attentes. Peut-être étais-ce le dernier moment que l’on passait ensemble avant mon départ. Je me disais qu’ils avaient sans doute prévu autre chose. Il était encore tôt pour des adieux. Je n’en savais rien, donc je vivais cet instant comme s’il était le dernier avant longtemps.
Le dernier mois passa à la vitesse de la lumière. Entre le travail, les sorties et ma famille, les heures défilaient. Quand le temps et ma motivation le permettaient, je surfais ou nageais selon mes envies.
Mon patron était devenu un peu plus sérieux. Celui-ci me racontait que son réveil n’avait pas sonné. Se rendant compte de l’heure tardive, il a démarrer un sprint jusqu’à la boutique où une dizaine de clients l’attendaient. Cela l’avait vraisemblablement traumatisé et à présent, il souhaitait faire les choses de manière structurée.
Seb faisait tout son possible pour que je passe les meilleures fêtes. Lorsque l’alcool lui montait à la tête il ne cessait de me dire à quel point il m’aimait et s’arrangeait pour faire de moi la star du moment. J’ai ainsi eu l’opportunité de danser et chanter devant une vingtaine de personnes, que je ne connaissais pas toujours. Rien de désagréable mais disons que je ne recommencerai pas. Mes talents artistiques n’étaient pas assez développées pour être mis en valeur devant autrui.
Quant à mes parents, leur surprise s’avérait être un concert de rock sur la ville d’Hossegor. L’événement durait jusqu’à deux heures du matin et ma mère avait prévu de conduire au retour si mon père venait à trop boire. Son intuition s’est avérée réaliste car une fois quelques verres engloutis, il devenait très sociable et énervant à la fois. Je ne l’avais jamais vu dans un tel état auparavant mais c’est ce que j’en concluais aujourd’hui. Ma mère essayait gentiment de le retenir et Bastien Sarah et moi, bien que compatissant envers notre mère, étions amusé de la situation. Quoi de plus étrange que de voir son père, un modèle, un homme sérieux et dévoué, perdre complètement les pédales ? En tout cas nous arrivâmes à la maison sain et sauf, étant donné que mon père s’était endormi, mort de fatigue et vaincu par la boisson.
Puis la veille du départ arriva. J’avais la boule au ventre. Seb était passé à la maison. Nous étions allés faire une balade en vélo. Nous nous étions assis dans un coin en regardant la nature autour de nous. Je ne savais pas quoi dire, lui non plus. Il me prit soudain dans ses bras.
« Tu va me manquer gros me dit-il.»
J’ai bien cru que j’allais faire couler une larme mais je me retins. Si l’un de nous se mettait à pleurer, l’autre le ferait automatiquement. Je me forçais alors à parler d’autre chose pour que l’on puisse rigoler. Avant de me quitter, il me resserra dans se bras puis partit en direction de son domicile. Je le regardais s’éloigner pour le voir devenir un point minuscule dans mon champ de vision. Je n’arrivais pas à croire que je ne le reverrais pas avant de longues semaines. Moi qui
l’avait croisé tous les jours pendant des années, je me voyais mal continuer à vivre ma vie sans entendre sa voix énervante ou voir sa tête d’abruti.
Pour changer d’air, je me dirigeais vers la plage. Les touristes étaient tous rentrés chez eux et ils ne restait plus que les locaux. L’endroit semblait tranquille. Le bruit léger des vagues résonnaient dans mes oreilles et je m’asseyais sur le sable fin. A l’horizon le soleil se couchait doucement. Un paysage de rêve que j’aimais observer dans les moments ou je voulais être seul. Cela me permettait de réfléchir, de laisser vaquer mes préoccupations ou angoisses. Cette fois-ci je ne savais pas ce que j’allais devenir. J’allais être jeter dans le vrai monde. Je vivais ici depuis toujours et je ne m’étais jamais imaginé devoir partir un jour. Je savais depuis début Juillet, pour les résultats du Bac, que Sciences Po m’ouvrait ses portes et que pour cela, je devrais quitter le nid familial. Mais ce n’était qu’une lointaine pensée. A présent,à la veille de dire au revoir à ma ville natale, je ressentais cette angoisse qui était cachée jusqu’à maintenant. En partant d’ici je ne serai plus rien. Je réalisais alors que je ne savais pas vivre tout seul. Tout ce que j’avais aujourd’hui, mes parents en étaient les auteurs. Ils se sont acharnés pour m’inciter à m’inscrire au sport, mon père m’a trouvé un job, et c’est grâce à eux si je connaissais Seb puisque nos parents se sont rencontrés bien avant nous, lorsqu’ils étaient délégués des parents d’élèves. Alors là-bas, tout seul dans cette grande ville que deviendrai-je ? Ma réponse à cette question n’existait pas. Après avoir jeté un long dernier regard sur l’étendue d’eau, je retournais chez moi, là où mes affaires attendaient d’être rangés.
***
A huit heures précise, l’alarme de mon réveil sonna et le choc fut brutal. J’allais partir définitivement, telle était ma première pensée de la journée. Mes parents m’accompagnaient à la gare et me laisseraient filer en train. Le temps sembla alors passer au ralenti. Le petit déjeuner, le trajet en voiture, tout me sembla terriblement long, comme si l’on voulait que cet instant stressant me soit le plus insupportable possible. Dans la voiture personne ne parla beaucoup. Peut-être mon départ les mettait mal à l’aise. Dans ce cas, nous étions tous sur la même longueur d’ondes.
Une fois garé et sorti, je regardais le tableau d’affichage. Le train partirait dans 15 minutes. Ce qui signifiait que d’ici un temps relativement court à l’échelle d’une journée, mes pieds auront quitté la surface des Landes. Je me tournais vers mes parents. Ma mère semblait plutôt triste mais faisait de son mieux pour paraître naturelle. Mon père avait un regard fier, je supposais alors qu’il approuvait ce que j’allais faire ou devenir, ou du moins il le respectait. Quant à Bastien et Sarah, je ne saurais dire ce qu’ils pensaient. Ce dont j’étais sur c’est que je ne leur manqueraient pas, en tout cas ils seraient moins affectés que nos parents. Je les étreignis alors tous à la fois pour leur souhaiter un dernier au revoir.
« Je squatterai ta chambre dit Bastien. Quand tu rentreras ne t’étonnes pas de voir des caleçons sales traîner par terre.»
Toute la famille éclata de rire même si sa tentative de blague n’était pas des plus inventives. J’esquissais un petit sourire malgré mon humeur. Ils allaient me manquer terriblement.
«Prends soin de toi fils ! me dit mon père. Et trouve-toi une fille !
– Évite de te nourrir uniquement de McDonald’s me lança ma mère. Et comme dit ton père, trouve-toi une gonzesse ! »
Mes parents avaient cette manie de vouloir être drôle dans les moments qui ne le sont pas forcément. Une bonne manière de détendre l’atmosphère.
Sur ce, je m’éloignais en direction des quais, valises en main, lançant un dernier regard à ma famille qui me firent un petit signe d’adieu de la main. Je fis de même puis me retourna, le cœur en miettes.
Je montais dans le train, rangea mes affaires et m’assit à la place qui m’était réservé. Le train ne tarda pas à démarrer et je me mis à observer de derrière la vitre en pensant. L’inconnu s’ouvrait à moi. Je ne savais ce qu’il pouvait m’arriver. Je m’apprêtais à faire la connaissance du monde extérieur, et que me réservait-il ? Je l’ignorais, mais mon intuition, plutôt méfiante, me disait que je le saurai bien assez tôt…