– Vous en pensez quoi vous de l’agression qui s’est passé à Lyon ?
Cette question de mon grand-père a transformé mon repas de Noël en un moment extrêmement stressant. Je priais pour qu’il s’agisse d’un fait récent mais quand il prononça les mots « trois contre un » et «il y a quelques semaines » je sus que j’allais être le sujet de la conversation sans même qu’ils le sachent. Mais je n’allais pas m’en vanter.
– C’est fini papa lui dit mon père. Mes grands-parents paternels venaient d’arriver la veille pour partager ce moment familial qui prenait un nouveau virage pour moi.
– C’est quand même fou que tous le monde ai oublié. Juste parce que les médias se sont tus brusquement. Un gars comme ça il faut l’enfermer.
– Peut-être mais je peux te dire qu’on en parle beaucoup dans ma classe clama Bastien. Ce gars c’est carrément un héros !
Les paroles de mon frère me firent chaud au cœur et j’en ressentais même une certaine fierté.
– Je suis d’accord avec mon frère dit alors ma sœur. Mais sa façon de se battre…c’était violent !
– Bah fallait bien qu’il se défende répliqua Bastien. Ce qui est nul par contre c’est la qualité de la caméra. J’aurais adoré voir la tête de ce gars…
– C’est qu’une question de temps avant que quelqu’un ne le reconnaisse dit ma sœur.
Je sentis un énorme coup de stress m’assaillir. Elle n’avait pas tort. Jusque là je refusais de l’admettre mais oui tôt ou tard une personne finirait par m’identifier. Il y a forcément en ce monde, un petit curieux qui y travaillait. Mais si l’agence bloquait les pistes, cela retarderait les recherches.
– Et bien pour tous vous dire ce serait mieux qu’on l’attrape celui-là. D’accord il a aidé quelqu’un, mais imagine le jour ou un pauvre bougre l’énervera. Je ne donnerai pas cher de sa peau !
Mes deux grands-pères étaient plutôt du genre direct. Quand quelque chose n’allait pas, ils n’hésitaient pas à le dire. Et beaucoup de chose leur déplaisaient. Mais avec du recul je les comprenais. Mais je n’aurais pas su quoi en penser clairement si j’avais été extérieur à cette histoire.
– On aura beau dire ce qu’on voudra sur lui, cette personne à fait ce que beaucoup d’autres auraient ignoré par désintérêt ou par crainte d’agir dit alors ma mère.
– Tu as raison chérie commença mon père. Mais tu oublies que ce genre de choses peut encourager les gens à suivre le même exemple. Et par la même occasion une augmentation de la violence.
– Je ne pense pas dit ma grand-mère maternel. Les gens n’ont pas encore assez de courage pour passer à l’action. Et puis tout cela s’est déjà bien tut. Dans quelques mois plus personne n’en parlera même si c’est plutôt…. étrange et effrayant.
– Et toi Tom t’en penses quoi de tout ça me demanda Samuel mon autre grand-père.
Bien sûr je ne pouvais pas l’esquiver celle-là. Je m’y étais attendu mais j’avoue avoir espéré y échapper.
– Et bien commencai-je. Il avait ses raisons d’agir ainsi donc je dis qu’il n’est pas si mauvais que ça. Après tout il a aidé ce vieil homme et puis il s’agissait d’une légitime défense.
– Comment tu sais tout ça ? Demanda-t-il.
Bon sang je l’avais pris personnellement. Je devins rouge écarlate et mon poul s’accélera brusquement.
– Il l’on dit aux infos papi dit Sarah qui venait de me sauver.
– Ah j’ai plus tous les détails dit celui-ci d’un air aigri. Enfin bon ca vous choque pas sa force. La personne devait pas être plus grande que Tom et elle à mis au tapis trois gars qui faisait une tête de plus que lui !
– Il a du prendre des stéroïdes ou une substance du genre dit Bastien. Je pense pas que Superman existe.
– En tout cas si je le trouvais je le signalerai aux autorités clama bien fort mon grand-père. Puis les supermans ca n’existe pas. Il doit bien y avoir une explication rationnelle.
– Bon papa dit ma mère. C’est Noël on peut passer un moment en famille en parlant de sujet plus agréable ?
– Ouais dit-il d’un ton râleur.
Le débat était fini. Le reste de la soirée se passa autour de rires et d’anecdote plus divertissantes. Malgré cette bonne ambiance, une partie de moi restait focalisé sur mon problème. Mais étonnamment je le supportais plutôt bien. Il fallait dire que dans le cas ou je ne ferai qu’y penser, je n’aurais plus eu envie de rien et les occasions de vivre des moments intéressants étaient nombreux. Autant ne pas m’en priver tant que rien ne m’arrive de pire.
***
Le temps des cadeaux arriva. Tout le monde en reçu bien entendu, même si nous avions un mal fou à trouver la bonne surprise en particulier pour les grands-parents. Pour ma part je reçu de l’argent. Une solution facile dans le sens ou l’on ne s’embêtait pas à vagabonder durant des heures dans les magasins. Et puis à moi l’embarras du choix !
Une fois les festivités terminées, tout le monde s’endormit sauf peut-être mon geek de petit frère qui allait passer une nuit blanche.
J’eus alors l’idée de sortir en pleine nuit. Personne ne me dérangerait et je pourrai faire ce à quoi je pensais tout à l’heure en toute tranquillité : appeler Nathan.
Une fois sorti, je composai son numéro et appela. A vrai dire je pensais tomber sur sa messagerie mais sa voix résonna.
– Salut Nathan dis-je. J’appelais pour prendre des nouvelles.
– Salut Tom. Il avait plutôt l’air heureux de m’entendre. Je te remercie de ton appel. Ça se passe bien ton Noël ?
– Ma famille n’a pas arrêté de parler de mon acte d’héroïsme qui a fait la une de l’actu. Sinon ça va.
– Merde ça doit pas être facile à supporter. Mais écoute Tom tout ce qui arrive, c’est pas ta faute. Il s’agit d’une énorme malchance. Et il se trame des choses qui nous dépassent, des choses auxquelles nous n’aurions jamais du êtres confrontées !
Je ne pouvais être plus d’accord. On s’imagine être protégé de tout jusqu’au moment ou nous sommes victime d’un malheureux incident.
– Je voulais te demander, tu as quelqu’un qui te surveille ?
– Ah oui un type avec un pantalon que sa mère à du lui acheter à la braderie. Autant te dire qu’il n’a pas du tout le look typique de l’agent secret.
Je souris. L’humour nous permettait de ne pas prendre notre situation telle qu’elle était. Du moins pendant un instant.
– Et pour toi ?
– Oh euh c’est la fille avec laquelle tu t’entends à merveille.
– Ah la garce !
– En vérité elle ne semble pas si horrible.
– Je sais dit-il. C’est simplement qu’elle ne devrait pas être là. C’est la situation qui m’énerve pas elle.
– Tu penses qu’on nous écoute ? Demandai-je. J’y avais brièvement pensé mais nous n’échangions pas d’informations susceptibles de nous faire passer pour des traîtres ou des complotistes.
– Sûrement répondit-il. Mais qu’est ce qu’on a a cacher ? Ils savent déjà beaucoup de choses sur nous et notre mécontentement ne doit pas les étonner. Personne n’aime être surveillé.
– C’est vrai. Toi ça va la famille ?
– Rien d’extraordinaire dit-il. Son ton était monotone. A l’entendre on pourrait penser qu’il ne devait pas vivre un noël passionnant. D’après ce que Laetitia m’avait brièvement raconté, les relations qu’ils entretenaient avec sa famille n’étaient pas parfaites.
– Question personnelle mais ça va toi avec tes proches ? Même s’il s’agissait de son cadre privée, je ne pouvais m’empêcher de m’y intéresser.
– Disons que ça pourrait aller mieux dit-il simplement. J’ai des petits conflits avec mon père c’est tout.
Je compris à sa manière de s’exprimer qu’il ne voulait pas aller plus loin. Je n’insistai pas. Beaucoup de gens connaissaient des soucis familiaux, même certains de mes amis ici. Ils ne s’attardaient jamais sur le sujet non plus. A chaque fois que l’on évoquait ce genre de discussions je me disais que vivre avec une famille comme la mienne était une chance.
– Mais ça fait rien Noël c’est le moment de faire une croix sur tout ça et de passer un bon moment reprit-il.
– C’est vrai. Je ne savais plus quoi dire. Mais à vrai dire mon objectif n’était pas de faire un monologue. Juste de m’assurer que tout allait bien.
– Bon écoute Tom je te laisse passe une bonne soirée. Je taffe après-demain on se reverra sur Lyon.
– Salut Nathan. Et il raccrocha.
Malgré son évidente sympathie, il laissait une part de mystère planer autour de lui. Même si cela m’intéressant d’en savoir plus, les réponses à mes interrogations ne se dévoileraient pas ce soir.
***
Alcool, fête, musique, le nouvel an est le jour de tous les excès. En tout cas pour mes camarades de ce soir. Étonnement, la maison de Seb ne serait pas disponible. Nous le passerions donc chez Maeva. Je m’attendais donc au pire. Elle ne se ménageait pas, et faisait en sorte que les autres soient dans leur état le plus pitoyable.
– Ta voisine à encore porter plainte avait-je demandé à Seb. Apparemment elle serait sorti de ses gonds encore une fois. Infatigable cette femme. Comme si elle s’était donnée pour mission de pourrir la vie de mon ami.
– Non mes parents veulent inviter leurs amis pour une fois. Je peux pas leur en vouloir ils me la laissent tout le temps.
Une fois arrivé, j’eus la légère surprise de voir cette cher Laetita dans une tenue qui ne me laissait pas indifférent. Et Seb l’avait remarqué lui aussi, et se précipita pour la saluer.
Une fois les invités arrivés, la fête commença. La musique battait son plein, et les lumières dansaient partout dans la maison. Nous étions en pleine campagne et les voisins les plus proches devaient être à plus de 500 mètres.
– T’as des amis qui savent faire la fête ! Me dit alors Laetitia qui s’était approché un verre à la main. Et ton amie à bien insisté pour que je vienne.
– Tu bois pendant que tu bosses ? Demandai-je. Étonnant.
– Tu as raison. Mais ne t’en fais pas je reste suffisamment sobre pour te garder à l’oeil.
Je me demandais si ça valait la peine de la convaincre de partir. Mauvaise idée. Je ne comptais pas me faire aimer d’elle mais au moins établir une certaine confiance. Et pour ça je devais coopérer.
Je la laissai pour aller discuter et prendre quelques verres. Maeva, complètement soul avant tout le monde tenta de me dérober un baiser que j’esquivais. Elle faisait toujours ça, elle trouvera bien une autre victime.
Les heures passaient et malgré mon intégration plutôt réussie, je ne me sentais pas heureux pour autant. C’est alors que Seb se dirigea vers moi éméché lui aussi.
– Bonne année mon pote me dit-il d’un ton mal assuré qui trahissait son abus d’alcool.
– Bonne année Seb répondis-je. Le gong était passé, nous étions maintenant en 2019.
– C’est quoi tes résolutions pour cette année ?
– Et bien faire en sorte de profiter de chaque instant que la vie me donne.
– Dis j’ai vu que la fille de l’autre fois te parlais. Tu penses que tu peux m’arranger le coup ?
Merde. Seb aurait pu flasher sur n’importe quelle fille mais pas celle-ci. Bon tant pis.
– Vas-y toi elle va pas te manger !
– Tu sais que je suis timide.
– C’est rien elle va pas te jeter et puis vous vous êtes parler la dernière fois. Tu pars pas de zéro.
– Pas faux dit-il. Allez souhaite-moi bonne chance.
– Bonne chance
J’espérais du fond du cœur que sa tentative serait un désastre. En d’autres circonstance je lui aurais souhaité le meilleur mais pas là. Si elle était pro comme elle voulait le montrer elle en resterai là. Je regardai d’un œil attentif. L’échange fut de courte durée. Seb finit par revenir sur ses pas, prit quelques boissons, puis se dirigea vers la sortie.
– Ne t’en fais pas par respect pour toi j’ai refusé dit-elle en se rapprochant. Mais fais attention à lui il a vraiment trop bu.
Je sortis à mon tour pour aller le voir. Il n’était pas du genre à s’isoler. Cela voulait dire qu’il avait des choses à s’extraire de l’esprit, je le sentais. Des idées noires qui le taraudaient comme des soucis intériorisés depuis trop longtemps. Il faisait de son mieux pour paraître toujours bien mais parfois l’on voyait que quelque chose le tracassait. Seulement, il le cachait très bien la majorité du temps. Et avec la dose d’alcool qu’il venait de boire, je ne savais pas ce qu’il comptait faire.
Je le voyais au bout de cette rue isolée de tout. Il était loin mais impossible de ne pas le repérer au milieu de la route. Sa chemise blanche en faisait un individu aisément repérable. Je l’appela mais il ne sembla pas m’entendre.
Brusquement, un véhicule surgit de nulle part et se dirigea vers Seb. Il n’était pas encore à sa hauteur donc je me dis qu’il ralentirait sûrement et le klaxonnerai en lui demandant de se pousser. Pourtant le véhicule commença à accélérer alors qu’il n’était qu’à à peine vingt mètres.
– Seb ! Criai-je. Il se retourna vers moi. Son temps de réaction était trop long. Il n’aurait pas le temps de l’éviter.
Soit le conducteur était ivre soit il comptait tuer mon ami. Je courus alors de manière désespéré en espérant atteindre Seb avant le véhicule. Je le voyais se rapprocher de plus en plus près et les secondes me paraissaient infinies. C’est comme si je voyais la mort de Seb au ralenti. Mais je ne pouvais l’accepter, ça ne s’arrêterait pas là. Pendant ma course je me sentis transporté par mon élan. Au moment ou la voiture semblait le percuter je me jetais sur Seb en l’enlaçant. La chute du à ma mauvaise maîtrise de la vitesse nous mena à valdinguer au-dessus de la voiture pour se terminer sur le béton. En guise de protection pour Seb, je sacrifia mon dos lors de l’impact. En temps normal, il se serait brisé, mais le coup me faisait l’effet d’une gifle donné par un enfant de dix ans. Quoi que peut-être un peu plus fort. Je vis alors le voiture arrêter net, comme si le conducteur voulait s’assurer de notre état. Mais avant que je puisse me relever, il redémarra puis disparut sur le chemin.
Seb se releva lentement avant de déglutir dans le fossé. Une fois qu’il eut fini il se rapprocha de moi en titubant.
– Tom me dit-il. Tu m’as sauvé et…comment t’as fait ? T’es arrivé si vite c’était impossible de courir comme ça !
Bon sang Seb savait maintenant. Pourquoi cette voiture voulait le renverser ? D’où elle sortait ? Une rage m’envahit. Si je retrouvais ce type je ne savais comment, j’ignorais si je pourrais lui parler sans utiliser mes poings. Et lui aussi avait du voir !
– Il y avait au moins 200 mètres dit-il. T’es arrivé en cinq secondes.
– Non Seb j’étais derrière toi à côté dis-je. C’était faux bien sûr. Mais je pouvais le convaincre que l’alcool lui faisait raconter n’importe quoi.
– Mais je t’assure insista-t’il. Et tu t’es écrasé et ton dos….il a rien. On était en l’air….
Je touchais mon dos. Mon polo que je portais était en lambeaux à cause du court frottement ayant suivi le vol par dessus la voiture.
– On est juste tombé sur le côté dis-je. Tu t’inventes des films. Viens on y retourne. Bon sang tu m’as fait peur.
– Mais c’est impossible ce que t’as fait là. La vache !
– Seb dis-je en le regardant droit dans les yeux. Tu sais que les super-pouvoirs c’est une fiction. Tu me connais je suis un mec normal. Tu as eu peur et moi aussi. Et tu as bu. Pour toi tout est beaucoup plus impressionnant que ça ne l’est vraiment.
– Ouais t’as raison dit-il. Je m’invente des films. J’aimerais bien être quelqu’un d’autre parfois. Vivre des choses plus intéressantes. Bref je vais pas raconter ma vie.
Dans un autre contexte, je l’aurais écouté d’une oreille attentive. Mais là je devais changer mes fringues. Des tâches de sangs sur mon dos, Laetita le verrait et suspecterait à coup sûr un problème. Pas besoin de ça. Seb qui frôle la mort, la soirée avait été suffisamment intense en émotions.
– Retourne à l’intérieur je reviens je vais me changer chez moi ! Dis-je en le poussant vers l’entrée.
Ce que je fis en effectuant le trajet à vélo. La route n’était pas si longue surtout avec mes nouvelles performances. On remarquerait vite mon absence, donc le fait de faire une si longue route pour changer de fringue paraîtrait étrange. J’avais heureusement des arguments de poids qui s’appelaient Sobieski et Jack Daniels.
Une fois de retour, je vis Maeva me héler d’un air qui signifiait « ou t’étais passé ». Une fois à son niveau, je lui sortis les deux bouteilles.
– J’allais chercher les renforts dis-je en forçant mon sourire.
– Parfait dit-elle. T’es mon héros !
– Tu saurais ou est Lætitia ?. J’étais surpris de ne pas la voir rôder ici.
– Pourquoi elle te plaît ? Dommage j’en connais un qui à été plus rapide. Pourtant il était bien bourré.
Je la remerciais puis monta à l’étage pour boire un coup. A mon arrivée, je vis Seb et Laetitia en pleine discussion. Quand ils me virent, Seb vint me serrer dans ses bras.
– Tom m’a sauver dit-il alors. La voiture fonçait sur moi et il est arrivé à temps.
– Bravo Tom me dit Lætitia d’un regard suspect. Seb n’avait pas pu tenir sa langue mais je ne pouvais le tenir responsable de ce qui venait de se produire.
– Tu sais quoi Seb ? dis-je. Allons fêter cette nouvelle année !
Il s’appuya sur moi pendant la descente. Une fois en bas, je l’installai sur le canapé et lui servi ce qui devait être son vingtième verre. Mon objectif était simple : lui faire consommer une quantité d’alcool suffisante pour qu’il efface de sa mémoire les événements de ce soir. Je n’aimais pas agir de la sorte mais mieux valait que ce soit cette méthode. Je ne sais pas ce qu’il adviendrait de lui s’il savait tout…