Rêveillé (1/15)

5 mins

Résumé :

« Qui êtes-vous ?
– Une plume qui cherche à se détacher de sa cigogne. »

Eux, le voient médecin ou avocat.
Lui, se voit rappeur et poète.

Quand le monde réel est moins attrayant que celui de nos songes, pourquoi ne pas se plonger dans nos rêves pour l’éternité ?

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À Mélina

[1] Poème pourri mais idée géniale

Le ciel s’étend sur l’horizon
À qui je dicte mes chansons
Je chante mes mots aux virages
Qui me renvoient mes rimes au visage”

Oui, c’est étrange comme façon de débuter, mais ce que je vais vous raconter est tellement insensé que je ne savais pas par où commencer ! Il me semble que ce sont ces mots, qui ont ouvert cette histoire. Même s’ils ne veulent rien dire, et qu’en plus le dernier vers a une syllabe en trop, c’est par eux que tout a commencé. J’étais, et je suis toujours, un humain d’espèce adolescente, en continuel questionnement sur des choses peu importantes qui occupent pourtant mes pensées le long de mes journées. Par exemple : “M’est-il déjà arrivé de penser à quelqu’un et que cette même personne pensait aussi à moi au même moment ?”, “Pourquoi quand je fais tomber ma tartine elle tombe forcément du côté beurré ?”, “Est-ce que les rêves d’un sourd sont muets ?”.

Ce que je viens de vous dire n’a aucun rapport avec ce que je vais vous raconter, c’était pour que vous cerniez le personnage. Revenons dans le vif du sujet.

Assis sur le toit de l’internat, je me relisais, désespéré par mes piètres tentatives de poésie. Oui vous avez bien lu, “de l’internat”. Mes parents m’avaient envoyé dans ce lycée de l’autre côté de la région, car pour eux, c’était l’établissement parfait. Notez bien le pour eux, car à part ce Velux au plafond de ma chambre, je ne voyais pas ce qu’avait cette école. Mes parents plaçaient de grands espoirs en moi. Ils me considéraient déjà romancier-médecin, ou avocat-dramaturge, à l’âge où je ne comprenais pas encore que “Le Pays des Jouets” de Oui-Oui n’existait pas…

Mon bulletin les ravissait toujours plus, ils contemplaient mes notes comme moi je regardais les pâtisseries de la boulangerie d’en face, et ils croyaient dur comme fer en mon avenir de politicien-poète-chirurgien. C’étaient bien les seuls à vouloir me voir débattre en alexandrin en examinant des tripes. Leur ignorance me faisait de la peine, comment pouvaient-ils croire que je rêvais de faire de grandes choses, comme être procureur ? Déjà que le costume était ridicule, ils croyaient vraiment que j’avais le charisme pour accuser quelqu’un qui a la tête d’un gangster ?

La justice ? Désolé, je vais m’en passer ! Médecine ? Trente-cinq ans d’études, très peu pour moi ! Littérature ? Oui, pourquoi pas, tant que les fautes d’orthographe ne comptent pas, qu’on me laisse appeler mon personnage principal “Barack Afritt”, qu’on ne m’impose pas de thème, qu’on ne me donne pas de délai, et qu’on ne me dise pas “ça a déjà été fait”.

Enfin bref, mes parents voyaient mon avenir tout tracé. Moi aussi. Le problème était qu’on ne suivait pas la même route.

Je ne voulais pas être le prodige dont mes parents rêvaient. Je voulais devenir le sourire d’un homme fier de ce qu’il faisait. Encore fallait-il que j’atteigne le but que je m’étais fixé — qui se rapprochait plus du sommet de l’Everest que du dessert le plus haut du self à la cantine. On m’a dit un jour “Si tu pars gagnant tu gagneras”, alors je pars rêveur, et mon rêve se réalisera.

Quand tout commença, il faisait nuit depuis déjà quelques heures, mais c’est dans le noir que tout s’éclaire. C’est lorsqu’on ferme les yeux qu’on voit mieux les détails de sa vie, c’est en éteignant la lumière que les souvenirs nous éblouissent, et c’est lorsqu’on ferme les volets que les rêves sortent de l’obscurité.

Les rêves… Voilà ce dont je voulais parler !

J’en faisais des tas, des rêves ! Quoi de mieux pour oublier les problèmes de sa vie que de s’en créer une nouvelle ? Une parfaite, sans conflits, sans obligations, sans pleurs, une belle, qui réchauffe le cœur, qui fait prendre une grande inspiration, et expirer en un sourire. J’aimerais parler de ces rêves que l’on fait dès qu’on s’est découvert une passion, ces rêves qui nous habitent la nuit, comme le jour, dont on se souvient au réveil comme au coucher, qui nous hantent, mais nous poussent vers l’avant, qui nous disent “c’est impossible”, mais qui répliquent aussitôt “Et si… ?”, ces rêves qu’on n’assume pas trop, par peur du ridicule, mais que nous réalisons dans notre futur idéal, et dans nos nuits les plus belles.

Ces rêves, notre imagination les crée, au même titre que les histoires dans les livres et les films, chaque pays fantastique, époque futuriste, invention loufoque, et périple sans fin sont nés d’une rencontre entre l’imagination et un crayon. Je me suis souvent dit que le meilleur moyen de vivre ses rêves, c’était d’y croire. De prendre un stylo, et de noter chaque événement qui nous venait à l’esprit, pour à la fin créer un rêve plus grand qu’une nuit, dans lequel on peut se replonger dès que le cœur nous en dit. On dit souvent “plus facile à dire qu’à faire”, moi je dis “facile à faire quand on fait plus que le dire”.

C’est quand j’ai formé une boule avec mon quatrain digne d’un boucher à la retraite, que l’idée m’est venue.

Peut-être vous demandez-vous aussi pourquoi j’étais sur le toit ? Je peux comprendre votre étonnement, mais si vous saviez comme s’asseoir sur un toit était agréable ! Chaque soir, une fois que le surveillant avait fait le tour des chambres, je posais la chaise sur mon bureau, puis montais dessus. J’ouvrais alors la fenêtre, je me hissais sur le toit et faisais quelques pas avant de m’asseoir. Cela n’avait ni grâce ni élégance mais j’étais fier de cette mini-performance.

Ce n’était pas un endroit comme les autres. Le toit de l’internat donnait l’inspiration, il était d’ailleurs une métaphore à lui seul. Il était la paroi entre le sol et le ciel, il était la terre qui tenait au chaud les marmottes, il était la vitre qui de mon lit me laissait apercevoir les étoiles, et il était le siège rouge, qui me faisait spectateur chaque nuit des mêmes tragédies : celle du Soleil que la Lune tire de son trône avec difficulté mais persévérance, et celle des étoiles aux poches trouées, qui laissent tomber les poussières de rêves sur nos paupières, sans pouvoir les rattraper.

C’est sur ce toit que tout a commencé, que l’idée a germé dans ma tête jusqu’à étendre ses racines jusqu’à ma main, qui a enfourché mon crayon et l’a suivie.

Je respirai doucement et levai le regard. Je ne sentais plus le vent qui me faisait frissonner, ni le toit qui me congelait le postérieur, ni mes yeux fatigués qui ne voulaient que se fermer sans profiter du spectacle nocturne, je ne pensais plus : “Un jour je m’y mets”, je criais : “C’est parti !”.

L’histoire que je vais vous conter n’a rien de réel, en fait, on ne peut pas faire plus fictif. L’histoire que je suis en train d’écrire est un rêve. Mon rêve. Un rêve comme les autres : unique.

 

 

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