Le Conte de la Sorcière des Bois 36. Ici et là

11 mins

Une vie passée dans l’ombre signifie fraîcheur en été et douceur en hiver. L’ombre d’une sorcière est identique à du charbon incandescent que l’on caresse, elle vous embrase tandis que vous l’embrassez, votre cœur palpite comme un damné, et à la fin, l’ombre vous consume jusqu’aux os. Tomber amoureux d’une sorcière, c’est tomber sous le charme d’une maladie. Elle vous gangrène, vous putréfie.

C’est du moins ce que Jilam entendait de nombre de ses rencontres.

Du temps où le garçon vivait auprès de ses semblables, ils étaient peu à commérer sur le compte des sorcières, car les rumeurs ne touchent pas aux légendes, et rares étaient les hommes et femmes à croire encore en leur existence. On blablatait au sujet du voisin, autour des on-dit de quartier, on critiquait l’afflux toujours plus massif de farfadets, on s’inquiétait de voir leur nombre grossir. « Cette engeance-là, bientôt elle nous bouffera. » Voilà ce que les malavisés disaient. On colportait des histoires malsaines de farfadets enleveurs d’enfants, de corps retrouvés dépecés dans les égouts, de complots souterrains pour massacrer le genre humain ainsi que les ancêtres des oreilles pointues le faisaient.

Mais des sorcières, point de mention, si ce n’est dans les contes à dormir debout. Les amateurs de ces récits étaient en règle générale les aïeux et les jeunes enfants. La figure de la sorcière, même dans un monde où il était courant de croiser elfes, lutins et gnomes, représentait une figure mythique pour les ignares. Qu’il y ait eu des sorcières par le passé était une chose aux yeux de la jeune humanité, mais à présent que l’ancien monde se fondait peu à peu dans le nouveau, ces légendes à donner des cauchemars aux bambins et destinés à tenir bien sage la progéniture agitée n’avaient plus lieu d’être sinon de simples histoires à faire peur que l’on se raconte le soir au coin du feu. Les grands-parents adorent ces histoires, leurs petits-enfants en raffolent, un peu moins en grandissant.

Jilam ne faisait pas exception aux gens de son espèce. Enfant, il aimait entendre les contes de Tante Hortia, et certains d’entre eux évoquaient une sorcière, toujours dans le rôle de l’antagoniste, de la figure de tromperie ou de la vieille mégère arracheuse de dents. Le garçon adorait ces sombres récits bien qu’aucun ne lui vole le moindre frisson. Quand on est ami avec les ombres, spectres, monstres et autres abominations de la nuit ne sauraient nous effrayer ; au contraire, ce sont les créatures du jour qui nous terrifient, avec leurs yeux qui découpent et leur langue tranchante qui flagelle le dos.

Si le Jilam d’aujourd’hui avait pu remonter le temps et rencontrer le Jilam de l’époque pour dire à ce garçon peureux et geignard qu’une belle nuit il épouserait une sorcière et qu’il en tomberait éperdument amoureux, même son esprit rêveur n’aurait pu le concevoir. L’imagination du jeune homme ne connaissait désormais plus de frontière. Le monde était à sa portée. Il lui suffisait de souffler le mot, de tendre la main et de blanches ailes le porteraient aux confins de l’inconnu.

Et cet inconnu se dressait là sous ses yeux, majestueuse muraille drapée d’une robe de brume piquetée de rayons dorés.

« Morbani. Le domaine des démonifées se trouve là-bas, juste derrière le plateau. La Voie du Démon contourne ses falaises à-pic. Elle fait un long détour qui rallonge le voyage de plusieurs nuits. Mais il existe un chemin de traverse qui le raccourcit d’autant. Si mes calculs sont bons, nous arriverons la veille de la première nuit de la lune de sang. »

Quo avait retrouvé son teint charbonneux, et une fois changé de braies, sa blessure à la jambe ne se voyait plus. La plaie avait commencé à cicatriser avant même qu’ils ne quittent la Voie Silencieuse.

Le plateau dont elle parlait était justement ce gigantesque rempart de roche brute qui avait substitué l’horizon aux regards de nos voyageurs. Une fissure grignotait la falaise vertigineuse de son faîte à sa base et dessinait une affreuse cicatrice dans l’épiderme granitique.

« Laisse-moi deviner, soupira Jilam, c’est par-là qu’on va. »

Quo sourit. « Ton pouvoir de déduction est digne du flair d’un démon, mon cher Jilam. »

Mais Nellis n’était pas d’humeur à jouir du second degré. « J’ai déjà entendu parler de cet endroit…

— Les Gorges Infernales, l’interrompit Reyn ; et les deux se heurtèrent du regard. Pardon, tu n’es pas la seule à connaître ton monde. »

Nellis ravala son mépris sans trop d’effort tant la tension en elle l’occupait.

« Ça m’a l’air désert, c’est donc que ça grouille de vie là-dedans, dit Tête-de-Pie.

De vies trépassées et maudites pour être précis, précisa Quo.

Je les sens. » Tout le monde s’étonna d’entendre le timbre rauque de Silène. « Des esprits. Nombreux. Et… mauvais. Très mauvais.

C’est là bien notre chamane ! s’exclama la démone. Je me réjouis que tu sois des nôtres, chère amie. »

En cela, elle était bien la seule. Le mutisme de l’elfe, entêté et entêtant à ce stade, rendait nerveux ses compagnons. Les maux du voyage s’apaisaient souvent grâce aux mots. Il suffisait parfois d’une bonne parole pour ragaillardir une paire de jambes terrassées par les crampes ou un esprit évidé jusqu’au trognon. Les discussions du soir revigoraient les cœurs, on s’échangeait des histoires et autres contes de variétés tirés de multiples peuples et contrées. Il n’était jamais question de sorcière, sauf quand c’était Nellis qui narrait.

Ses histoires comportaient toujours une sorcière, mais ici, pas de méchante sorcière ; la sorcière était l’héroïne, la solitaire incomprise qui sauve tout le monde à la fin, mais qu’un quiproquo empêche chaque fois d’obtenir sa juste récompense et engendre le dédain de ses débiteurs. Rien à voir, évidemment avec une quelconque inspiration de la vraie vie. Non. Évidemment que non.

Nellis, sans le vouloir, racontait des histoires drôles et provoquait le rire chez son audience. Pourtant, son orgueil ne semblait pas en souffrir, et depuis leurs déboires de la Voie Silencieuse, métamorphosée, elle se prenait au jeu des histoires chaque fois que venait son tour de jouer les baladins.

Alors que Silène, pourtant excellente conteuse, tenue en haute estime au Cœur-du-Bois Jilam et Nellis appréciaient l’entendre durant les fêtes se contentait d’écouter sans commentaire les récits d’autrui et passait chaque fois son tour. Plus on la pressait, plus elle s’enfonçait dans son vague à l’âme.

La chamane entretenait cette mélancolie depuis leur départ ; mais bien avant en vérité, depuis la mort de Dayl. La découverte macabre du cadavre exsangue du chaman avait creusé un gouffre béant dans la poitrine de Silène, entre ses cœurs flétris. Elle avait convaincu de ses arguments Nellis de traquer la sorcière-vampire, puis le groupe de l’inclure dans leur aventure périlleuse. On eut dit qu’à mesure de leur voyage, sa voix s’était tarie, que l’elfe avait fini par épuiser tous ses mots, et que la Voie Silencieuse avait achevé de la plonger dans le silence. À croire qu’elle ne se rappelait pas comment entretenir une conversation. Chaque fois qu’elle s’exprimait, c’était par de courtes phrases, rarement plus de deux ou trois, quelquefois par le biais d’une simple monosyllabe ou même un borborygme.

Ses compagnons se méfiaient d’elle car ils prenaient son mutisme pour un manque de confiance envers eux. Jilam aurait aimé pouvoir lui parler, du moins l’écouter il se targuait d’ailleurs d’être une oreille attentive , mais il s’était vite heurté, non pas à un mur, mais à un miroir. Silène lui renvoyait son propre reflet, ou plutôt le reflet de son moi passé. Il connaissait par cœur les traits de la mélancolie, et il ne pouvait en vouloir à l’elfe son mutisme irritant, conscient qu’il fut ainsi auparavant, un garçon au grand chagrin, préférant se morfondre face aux inquiétudes des autres plutôt que de s’ouvrir à leurs jugements ; pas tant pour s’épargner leur cruauté, plutôt au risque qu’ils puissent l’aider.

Silène avait toujours soutenu Dayl. L’élève avait davantage joué le rôle d’une mère pour son mentor que Dayl n’avait été digne du rôle de père, mais elle ne l’en aimait pas moins en tant que tel. Elle s’occupait de sa nourriture, de l’entretien du tertre sacré, des cérémonies, le bordait quand le chaman avait trop bu, lavait ses robes sales, soignait ses gueules de bois et enchainait les nuits blanches à apaiser ses tourments quotidiens. On l’admirait pour son abnégation, les autres elfes la traitaient de déesse au chevet d’un gnome. De son point de vue, Silène se dévouait auprès de la seule personne qu’elle n’ait jamais aimée et qui ne l’ait jamais aimée en retour, car, à ses yeux, sous le voile de mystère, l’amour rime avec dévotion.

Jamais, d’aussi loin que remontent ses souvenirs, elle ne fut seule ; jamais elle ne s’était trouvée dans la position de la malade que l’on doit border, dont on écoute les peurs nocturnes, que l’on berce de mots doux et rassurants. Et cette solitude lui pesait d’autant qu’elle se voyait dépérir comme elle avait vu Dayl dépérir au fil des longs siècles écoulés côte à côte ; siècles bénis, siècles maudits.

Impossible pour elle de revenir en arrière, de profiter à nouveau des jours heureux, de ses tendres souvenirs, tableaux pour toujours entachés par la vision de la figure mortuaire de Dayl, figée par l’horreur qui avait poursuivi le chaman toute sa vie.

Silène ne se sentait pas à sa place dans cette troupe où tous se connaissaient de précédents périples. Nellis et Reyn avaient raison quand elles les traitaient, Jilam et elle, comme les boulets de la bande. Qui était-elle, après tout, sinon une enfant du bois, la cervelle pétrie de traditions anciennes, une pauvre branche fourmillant de bourgeons mais aux racines chétives ?

Nellis avait sauvé le bois aux côtés de Reyn et Tête-de-Pie. Quo était la raison même qui leur avait permis de retrouver la trace du monstre meurtrier de Dayl et sa présence constituait le socle sur lequel reposait toute leur mission. La sorcière, aussi étrange que cela puisse paraître, avait confié leur sort aux mains de la démone et à aucun moment ne semblait regretter son choix. « Mêmes engeances », aurait dit Dayl. Il n’aimait pas beaucoup Nellis et cette dernière lui rendait bien. Ils étaient, après tout, deux êtres que tout opposait.

Silène respectait Nellis, l’admirait d’une certaine façon, figure d’indépendance à ses yeux qui n’avaient jamais pu se détacher entièrement du confort douillet de leur berceau. Silène n’avait jamais cherché plus loin que les histoires qu’elle contait lors des cérémonies rituelles ou des célébrations moins codifiées. Son désir allait tout entier à sa tâche et à celui qui lui avait inculquée cette vocation. En trois siècles d’existence, jamais ou peut-être juste une fois où deux elle n’avait remis en question cette vocation en tant que fruit d’un souhait personnel.

L’arrivée au Cœur-du-Bois de Nellis et Jilam suivant le départ de Niu avait cependant engendré un profond bouleversement que Silène s’était bien gardée de montrer et que seul Dayl avait su discerner. Jusqu’alors, elle n’avait aperçu la sorcière qu’entre deux foules à l’occasion des festivités lunaires. Comme tous les elfes, elle s’était interrogée sur son compte, mais au lieu d’écouter la Gardienne comme ses amis et voisins, elle avait préféré entendre l’avis de Niu, l’experte selon elle pour dénoyauter les esprits, y compris les plus tenaces. Niu manquait énormément à Silène. Sans être vraiment amies Niu entretenait une amitié avec tous et avec personne , leur lien tenait aux confidences qu’elles se partageaient.

La curiosité de Silène à l’égard de Nellis, et que d’aucun aurait considérée comme de mauvais augure, n’avait pourtant jamais amené la chamane à accomplir le premier pas. Pas question de peur, ni de mépris, contrairement aux autres, simplement une affliction par trop répandue chez les consciences : une parfaite incompréhension de la psyché d’autrui. Donnez-lui trois jours pour entrer en contact avec un esprit, Silène trouvera trois biais différents pour l’accomplir en un. En revanche, se lier d’amitié avec un congénère ou toute autre créature, un siècle ne suffirait pas pour la décider à agir.

Certes, des amis, Silène en avait. Tous au sein de la communauté la respectaient et certains même la vénéraient au même titre que la Gardienne. Les elfes du Cœur-du-Bois venaient à elle pour qu’elle écoute leurs ennuis et lui demander conseil, et la chamane leur rendait aimablement service, toujours au mieux de ses capacités.

Mais c’était là le nœud du problème. Personne, quand il observait l’elfe aux yeux de sève, assise droite sur ses genoux, ne percevait la petite Silène au cœur brisé que le bon Dayl avait patiemment recollé. Ses visiteurs se contentaient des robes chamaniques et de la tendre voix innocente rouillée par la sagesse d’antan.

Cela enrageait Silène au fond d’elle, car cette sagesse, elle l’avait volée. Aucune des réponses qu’elle offrait aux questions qu’on lui posait, aucun des réconforts visant à écarter un doute ou des paroles de courage destinées à vaincre les peurs n’étaient engendrés par son propre raisonnement. Elle se contentait de répéter bêtement le savoir ancestral que Dayl lui avait enseigné comme son entourage se contentait de fixer béatement le masque grossier qu’elle leur livrait en pâture. Si sa mémoire se calait parfaitement à l’immensité du savoir oral emmagasiné par le peuple du bois depuis ses origines obscures, cette mémoire, par trop surchargée, ne laissait pas de place ou presque aux rêves personnels. Silène possédait la capacité, innée pour tous ceux convoitant son rang, de retenir par cœur la moindre information qu’on lui confiait à la première écoute. Ce don, vénéré au sein de toutes les races anciennes où le savoir oral prédomine depuis toujours, permet à la mémoire des ancêtres de survivre malgré le poids de l’immortalité, des souvenirs nouveaux qui s’accumulent et ensevelissent les anciens.

Silène, en tant que gardienne de la mémoire d’autrui, se sentait vidée de sa substance, n’ayant plus de place pour entretenir son propre récit au milieu du vaste flot d’histoires bouillonnant dans l’immense bocal de son esprit béni. Bénédiction chargée de malédiction ; le sujet qui oscille entre deux visions du destin.

En confiant à Nellis le soin de venger Dayl, de faire payer la responsable de son chagrin, puis par son choix d’aller elle-même confronter l’assassin, Silène prenait son propre destin en main et écartait de ce fait le devoir qui lui incombait, celui de conserver le savoir ancestral afin de le transmettre et que jamais il ne soit perdu. En se mettant en danger, ce n’était pas seulement sa propre vie qu’elle risquait, mais aussi le souvenir de générations entières qui vivaient en elles, des millénaires d’existence qui brillaient par sa seule lumière et qui, si la nuit venait à tomber maintenant, se consumeraient dans le brasier de l’éternel oubli.

« L’égoïsme est le premier pas vers la destruction. » Tel est le premier idiome des chamans du bois.

Mais Dayl avait enseigné autre chose à sa protégée : « L’égoïsme est le premier pas vers l’altruisme. »

« Sois libre, mon enfant. » Dayl lui avait toujours laissé le choix. Jamais il n’avait cherché à lui imposer son existence. « Ne perds pas ton temps à veiller sur le fou dépravé que je suis. Je suis une larve. Tu es un papillon. Tu as des ailes. Sers-t’en. » Et chaque fois le chaman se heurtait à l’esprit buté de son apprentie. « J’accomplis selon mon souhait », répétait Silène tout en nettoyant la bile qui maculait le menton de son père et maître. Alors ce dernier sombrait dans une crise de larmes et pleurait ainsi jusqu’à la tombée de la nuit, noyant ses plaintes dans la liqueur, jusqu’à ce qu’il s’abandonne à ses cauchemars.

C’était ces jours-là que Silène regrettait. Car alors, son père était en vie et se tenait près d’elle. Son désir de faire don de sa mémoire à son prochain s’était envolé tel un rêve, dissipé comme la douce brume par un vent violent. De ses souvenirs ne restaient qu’une seule image, résumée en un visage blême, vêtu de la blancheur de la mort, drapé dans les affres de la douleur. Silène était terrifiée que Dayl, même en repos dans les limbes, puisse être toujours la cible de ses esprits tourmenteurs. Garlik avait tenté de la rassurer à ce sujet, et y était presque parvenue, mais dans un coin de la tête de l’elfe, cette idée demeurait et la harcelait.

L’habile trollesse avait su délier sa langue nouée par le deuil. Elle avait gagné la confiance de Silène qui s’était alors confiée comme jamais elle n’avait jusqu’alors osé. Ce soir-là, durant le banquet à l’ombre du tertre et des sapins, Silène, les mains tremblantes sur ses genoux frigorifiés, ce malgré l’immense bûcher où se consumaient les spectres de la nuit, avait enfin craché le morceau qui l’étranglait depuis ce fameux jour où elle avait découvert son monde baignant dans une mare pourpre.

« Je me suis évanouie, et à mon réveil, tout avait disparu. J’avais tout oublié, tout ce que j’avais appris depuis toujours. Le savoir s’était envolé. Ma mémoire était vide. Depuis ce jour, j’essaie de toutes mes forces de me rappeler, de la plus petite chose, aussi insignifiante soit-elle. Certaines réapparaissent, et puis je les oublie aussitôt. Rien ne me reste. »

Garlik l’avait stoïquement écoutée sans laisser échapper la moindre réaction, puis avait longuement réfléchi avant de parler. « Tu sais ce qu’on dit ? Quand l’outre est vide, ne reste qu’à la remplir. »

Silène avait d’abord mal pris ses paroles sarcastiques. « Que me chantes-tu là ? Je suis une chamane. Les miens, mon peuple, ils comptent tous sur moi. Mon rôle est d’entretenir la flamme du passé comme on entretient les flambeaux de pierre-de-lune durant la lune noire. Je ne suis plus qu’une coquille vide. J’ai failli à ma tâche.

— Par les mamelons de Gra’Mama ! Réjouis-toi, mon enfant, au lieu de geindre. Tu es libre. Tu peux enfin faire tes propres choix, libérée de ton fardeau. Dayl t’a fait le plus magnifique des cadeaux en t’aimant. Ça, ses bourreaux n’ont pas su lui enlever. Il a perdu sa dignité, a gâché sa vie, mais il t’aura toujours aimé. Ne comprends-tu pas ? Mourir est son ultime présent. Le plus cruel et le plus grand qu’il t’ait donné. Il t’oblige à choisir, car ce n’est qu’ainsi que l’on apprend à marcher. Veux-tu revenir sur tes pas et réapprendre tout ce que tu as oublié ? Ou bien… Mais je crois que tu sais déjà. Sinon, pourquoi serais-tu ici au lieu de là-bas ? »

Silène repensait à cette conversation, brumeuse dans son esprit comme si elle provenait d’une époque lointaine ou bien constituait le fragment d’un songe. Les voix autour d’elle s’étaient tues. La troupe venait de pénétrer les Gorges.

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