Précédemment…
Steshin, un espion à louer, et Oronay, un mage-guerrier varvarish, entreprirent un périlleux voyage en direction du Nord, vers la Varvary où seuls le froid mortel et les pillards assoiffés d’or les attendaient. Au cours de ce voyage, ils firent une première escale sur l’archipel de Povistelag au Nord-Est de Kongeya afin de trouver un capitaine et un équipage capable d’affronter les éléments.
Ils trouvèrent rapidement un marin capable de les emmener plus au Nord mais à la condition qu’ils lui trouvent un navire et un équipage. Les deux compagnons d’infortune prirent un navire à des brigands avec succès mais ils essuyèrent de graves blessures suite à l’apparition d’un dragon durant l’affrontement. C’est à cette occasion qu’ils furent retrouvés par Mesia, la prétendante d’Oronay. En suivant une piste sur des bêtes tueuses, ils découvrirent un culte dédié au seigneur démon de la rage, Steshin, qui les recruta.
Après cela, le capitaine accepta de les emmener en Varvary mais un naufrage les contraignit à marcher des dano entiers jusqu’à destination. Au cours de ce périple, un culte dédié au seigneur démon de la mort décima presque tout le culte de Steshin et plongea Mesia dans un état proche de la mort. Le seul espoir de la sauver était d’enlever la grande prêtresse de l’ordre sacré de la Mona d’argent qui pouvait tout guérir et c’est ce qu’ils firent mais leur navire fut détruit et Oronay fut porté disparu. Seuls Steshin et le culte de la rage se sortirent de cette affaire, avec les troupes de l’ordre sacré aux trousses…
Partie III
Te revoilà. Ce qu’il s’est passé après la destruction du navire ? Tu veux vraiment tout savoir, pas vrai ? Il y a eu quelques épisodes assez intéressants après ça… Tu vois cette cicatrice là ? Cette nash-là, j’ai failli mourir à cause d’un différend entre des seigneurs dans un duché loin d’ici.
* * *
Iad 42 de l’ère impériale, sixième dan de Mely
Un jeune homme courrait dans les bois et la boue. Il avait le souffle court, des goutes de sueur coulaient le long de ses tempes après avoir descendu des mèches brunes de ses cheveux coupés courts. Il sentait que ses forces faiblissaient, que ses jambes allaient défaillir au premier faux pas.
Dans sa précipitation, il sauta du haut d’un talus et sa réception fut très douloureuse car ses jambes, d’une part, ne supportèrent pas le choc de l’atterrissage sur le sol qui, d’autre part, était particulièrement boueux. Il glissa sur la boue et il n’eut plus de force pour tenter de rétablir son équilibre, il se laissa alors tomber en arrière sur son fessier.
Avec l’énergie que lui conférait la peur, il rampa jusque derrière un arbre large à moitié abattu par le temps. Son corps réclamait tant d’air que sa respiration en était devenu bruyante. Il avait l’impression de faire plus de bruit que la forêt toute entière en cette fraîche nash de Mely. Son cœur battait si fort qu’il l’entendait presque dans ses propres oreilles et il le sentait dans ses tempes. Son souffle était si chaud qu’il apercevait une grande volute de fumée sortir de sa bouche à chaque expiration.
De crainte d’être découvert malgré les ténèbres dans lesquelles il s’était réfugié, il plaqua sa main sur sa propre bouche, prêt à la mordre s’il entendait que l’on s’approche de lui. Sa respiration en devint plus difficile mais il tint bon et il resta dans cette position pendant un temps indéterminé, jusqu’à ce qu’il retrouve un souffle normal dans un premier temps. Ensuite, il s’assura que rien ni personne en dehors des éventuelles bêtes sauvages ne soit proche de lui bien que pour cela il ne pouvait compter que sur ses sens bien limités dans un tel environnement.
Il se releva prudemment tout en sentant le poids de la fatigue et des efforts fournis dans ses muscles. Il reprit alors sa route à une vitesse moyenne au travers des bois, l’oreille dressée et les jambes prêtes à s’élancer de nouveau à pleine vitesse à tout instant.
Il marcha ainsi quelques temps jusqu’à entendre quelques brindilles craquer. Il se baissa par instinct et jeta un coup d’œil dans la direction d’où provenaient ces sons. Il eut tout juste le temps d’apercevoir un individu encapuchonné avant qu’il ne reçoive un bon coup de poing en plein visage avec un hurlement en prime. Il n’eut pas la force de résister à ce choc et il s’étala de tout son long dans la boue tout en manquant de peu de se briser la nuque sur une racine. Il entendit seulement des pas s’approcher de lui avant de sombrer dans une forme de demi-conscience après avoir reçu davantage de coups.
Il sentait qu’on le traînait par les bras sur une distance difficile à déterminer. On le jeta sans ménagement sur le flanc au sol, non loin d’un feu de camp. Il ouvrit péniblement les yeux et vit un demi-elfe encapuchonné qui lui fit signe du menton de regarder dans le même sens que lui, il se retourna alors avec difficulté et douleurs pour obtempérer. Avec son habit d’érudit abîmé et couvert de terre, de boue, de mousse et de brindilles, il avait désormais une allure pathétique et il faisait face à ce qui semblait être le chef de ce mystérieux campement qui était assis auprès du feu.
-Si c’est ma bourse que vous voulez, je n’ai rien ! Je…
Il reçut un violent coup de pied dans le flanc déjà endolori de la part de celui qui l’avait capturé.
-Silence devant le seigneur Steshin, mécréant ! Ne parle que s’il te pose une question.
Le dénommé seigneur Steshin ne bougea pas d’un cil durant la brimade et il se contenta d’afficher un air mi-ennuyé mi-indifférent.
-Du calme, adepte Irosty. Inutile de le maltraiter pour le moment.
L’adepte zélé s’inclina devant son seigneur avec beaucoup de respect en signe d’obéissance.
-Mes excuses, seigneur Steshin.
-Ce n’est rien, adepte Irosty.
Le regard du seigneur Steshin passa du demi-elfe encapuchonné au prisonnier boueux à terre.
-Bon, qui es-tu ?
-Je suis Kin Aurum, mon bon seigneur… Faites preuve de pitié, je vous en prie car je…
-Du calme… Kin. Répondez seulement à la question. Pourquoi vous tourniez autour de notre camp ?
-Je ne tournais pas, je fuyais une terrible menace, mon bon seigneur.
-De quel genre ?
-Un terrible groupe de coupe-jarrets qui en avait après mon or.
-Quel or ? Vous disiez ne pas en avoir.
-Je suis un érudit, un homme de la bonne société. Je cours les routes pour parfaire mon savoir sur les cultes voués aux divins et aux impies. De ce fait je…
-C’est bon, j’ai compris… Vous êtes donc, en toute logique, quelqu’un d’aisé mais sans le sou présentement.
Le visage de Kin afficha un air plus serein. Il semblait rassuré d’être tombé sur quelqu’un capable de comprendre sa situation.
-Adepte Irosty, fouille-le.
-Mais que…
-À vos ordres, seigneur Steshin.
L’érudit fut plaqué au sol, sur le ventre et fouillé sans ménagement par l’adepte qui sortit de sa besace parchemins tantôt vierges tantôt rédigés, un peu d’encre, une plume et une bourse peu remplie ainsi qu’un peu de nourriture et un nécessaire de toilette. Il retira de sa ceinture une petite dague d’une qualité tout juste correcte. Le seigneur Steshin consulta le résultat de la fouille avec un regard indifférent avant de se rasseoir tranquillement.
-Relâche-le, adepte Irosty.
L’adepte en question s’exécuta selon une habitude bien ancrée et se replaça derrière l’érudit comme précédemment.
-Kin… Reprenez vos affaires. Vous pouvez passer la nash avec nous si vous le souhaitez.
-Oh ! Merci, seigneur Steshin.
-Juste Steshin. Seigneur, c’est pour… Eux seulement.
Il appuya cette seconde phrase d’un geste du menton désignant l’adepte Irosty tout en affichant un air las. L’érudit se contenta d’acquiescer silencieusement avant de remettre ses petites affaires à leur place d’origine. Pendant ce temps, ce qui ressemblait à une patrouille revint au campement ayant visiblement terminé sa garde et elle réveilla d’autres encapuchonnés.
-Ils sont déjà revenus ? Il va être temps d’aller dormir dans ce cas-là. Kin… Avez-vous de quoi dormir ?
-Non, j’ai dû abandonner mon campement avec ma couche et la plupart de mes affaires lorsque j’ai été surpris par les brigands.
-Je vois. Dans ce cas, voyez s’il reste une couche de libre et tentez d’y dormir autant que possible.
-Je vous en remercie, monsieur.
Ils se dirigèrent tous les deux vers des couches, de simples draps de toile reposants sur des matelas fait de tous ce qui pouvait bien passer sous la main et qui ne soit pas trop dur.
* * *
Iad 41 de l’ère impériale, huitième dan de Mely
La troupe avait progressé davantage vers le Nord mais voyant que les sentiers devenaient de plus en plus impraticables, même à pied, à cause du sol particulièrement boueux et des restes de neige, elle changea de direction et partit en direction du Sud-Ouest.
Sonse venant de se coucher, ils établirent un nouveau campement pour la nash, une de plus au milieu des bois et loin de toute ville, de tout confort et de toute source de chaleur en dehors de quelques malheureux feux de camp.
* * *
-Seigneur Steshin ! Seigneur Steshin !
-Oh… Quoi encore…
Le principal intéressé, qui était assis face à l’un des feux aux côtés d’un Kin des plus loquaces, se leva et se retourna en direction de l’éclat de voix. Il aperçut un adepte sortir de l’ombre d’un arbre en courant.
-Que se passe-t-il, adepte Fanit ?
-Une grande créature, seigneur Steshin ! Le haut maître est aux prises avec elle.
-Quelle genre de créature, adepte Fanit ?
-Grande, à deux pattes, la peau sombre et avec une armure, seigneur Steshin.
Le démon à forme humaine ne put s’empêcher de se pincer l’arête du nez de lassitude en entendant la description de ce qui n’était assurément pas une créature bestiale.
-Emmène-moi, adepte Fanit. Je veux la voir de mes propres yeux.
-Bien, seigneur Steshin. Suivez-moi, c’est par là.
Ils s’enfoncèrent tous les deux dans les ténèbres, prêts à en découdre. Kin fut pris de curiosité pour ce bien étrange seigneur qui ne souhaite pas être appelé ainsi et il le suivit au travers de la pénombre. Peu après, ils arrivèrent tous les trois sur les lieux de l’affrontement qui opposait en effet un être massif et plus grand qu’une porte au haut maître Toldaka Avosy. Deux adeptes gisaient déjà dans une mare de sang, la tête quasi arrachée par un brutal coup tranchant.
-Un orque !
L’orque à la peau vert sombre portait une armure de cuir et d’acier mêlé ainsi qu’une hache à une main avec laquelle il tentait de trancher en deux le vieil homme qui lui faisait face mais sans réellement de succès puisque le haut maître employait la magie pour se mouvoir plus rapidement. Pendant que quelques coups furent à nouveau échangés, de nouveaux adeptes supplémentaires arrivèrent, guidés par les hurlements féroces de l’orque.
Le haut maître parvint à désarmer son opposant en maîtrisant son bras et il en profita pour le faire chuter torse au sol. Les renforts accoururent immédiatement pour l’aider à le maintenir face contre terre. À cet instant, Kin ressentit un mélange d’excitation, de peur et de… Plaisir. À côté de lui, Steshin marmonnait à voix basse.
-Je me demande bien ce qu’il fait autant au Sud de sa contrée natale celui-là… Il ne doit pas raisonner de façon bien différente des brutes que j’ai déjà croisées…
Steshin s’approcha de l’orque dont la tête se mouvait en tout sens pour atteindre quelque chose à mordre. Son attention fut attirée par Steshin lorsqu’il planta sa propre hache juste devant son nez.
-Tu es vaincu, orque.
-Toi rien faire, peau blanche !
-Ce sont mes adeptes, qui t’ont vaincu, orque. Ce sont mes serviteurs ! Leur victoire sur toi est ma victoire.
L’orque le dévisagea quelques instants et il finit par cesser de lutter contre les adeptes, acceptant sa défaite.
-Toi vainqueur, peau blanche. Toi décider de ma vie.
-Que fais-tu par ici, si loin de chez toi, orque ?
-Moi vouloir force. Moi vouloir puissance. Toi puissant, toi décider.
-Je vois. Tu peux partir, je te laisse la vie sauve. Je n’ai pas besoin de tuer davantage ces temps-ci.
-Moi vouloir force, toi puissant. Moi vouloir suivre toi pour acquérir puissance.
-Es-tu bien sûr de toi l’orque ? Et puis, comment puis-je être sûr que tu ne me poignarderas pas dans le dos ?
-Toi insulter moi et mon honneur. Moi obtenir puissance et, après, broyer toi par devant pour montrer force.
-Comme tu veux, orque, tu auras ta chance lorsque tu te sentiras prêt. Relâchez-le, adeptes.
Les adeptes et le haut maître s’exécutèrent laissant l’orque se relever, affichant à la vue de Steshin son armure.
-Tu es un guerrier varvarish, pas vrai ?
-Gak. Krat du clan Gruby. C’est mon nom. Je suivre toi, peau blanche, et moi acquérir force et puissance.
-Alors bienvenue parmi nous Krat du clan Gruby.
Krat… Comme le divin de la puissance, de la force et de la destruction. Veut-il rendre honneur à son nom ? Ou se prend-il réellement pour un divin ? Dans tous les cas, sa force est à mon service, pour le moment.
Ils se serrèrent la main de façon vigoureuse pour sceller cette nouvelle arrivée. Steshin se dit que Krat avait une sacrée poigne et qu’il ferait mieux de ne pas l’indisposer. Il se dit également qu’il ferait mieux de se préparer pour cette confrontation.
-Maintenant que tout est réglé, on devrait tous aller se reposer. La nash va être assez courte comme ça. Haut maître Avosy, poursuivez les tours de garde.
-À vos ordres, seigneur Steshin.
Le haut maître retourna auprès des adeptes pour réorganiser le périmètre de sécurité en tenant compte des deux morts.
Steshin, Krat, qui avait tout de même pris le temps de récupérer sa hache, et Kin retournèrent au camp prendre un repos bien mérité. L’érudit était désormais fasciné par l’aisance avec laquelle ce bien singulier seigneur parvenait à recruter des alliés mais ce sujet devrait attendre le lendemain au moins.
* * *
Iad 42 de l’ère impériale, neuvième dan de Mely
Au lever de Sonse, toute la troupe s’enfonça davantage dans les bois dans le Sud du duché de Faler, dans le Nord du royaume elfe de Forishny. L’adepte Kushust trottinait joyeusement comme un chien aux côtés de son maître Steshin qui n’était toujours pas parvenu à le libérer des effets du rituel raté.