Méline :
— Dis Oli, où aimeras-tu vivre après Roubaix ? dis-je à ma grande-sœur.
— Après Roubaix…hmm, je ne sais pas, si ça veut dire que je quitterai Roubaix…bah je voudrais vivre partout. En Afrique, Asie, Europe, Océanie, Amérique du nord ou du sud, peu importe si ça veut dire que je partirai de là. me répondit-elle, en regardant le ciel, l’air rêveuse.
— Alors je peux venir avec toi ? Si jamais on quitte Roubaix, promis ? lui demandai-je.
Olivia me regarda avec tristesse, et répondit :
— Oui bien sur, je ferais l’impossible pour qu’on parte toute les deux…Mais peut-être que tu pourra partir avant moi…Tu sais avec maman et…hum Roger…ça sera un peu difficile pour moi de partir. Mais toi Mélie c’est plus facile pour toi. Tu pourra partir avec Daniel. Il veut qu’on parte toutes les deux avec lui. Si tu pars avec Daniel, il te protégera, il me l’a promis.
— Olivia…pourquoi tu parles comme ça ? Pourquoi tu as l’air triste ? Tu devrais pas être contente en pensant à l’avenir ? Si on quitte Roubaix, tu devrais être la plus contente de nous. Alors je comprends pas pourquoi tu es triste. répliquai-je.
Olivia me regarda, les yeux mouillés, et me pris dans ses bras. Je ne comprenais pas ce qui lui prenait. Je commençai à m’inquiéter, je ne voulait pas qu’Olivia pleure. Je me sentis mal face à sa tristesse. Peut-être que Daniel sait pourquoi elle est triste. Ou alors il est la cause pour laquelle elle est déprimée. Je dois parler à Daniel.
Il était maintenant 17 heures. Maman serai surement déjà sous l’effet de la drogue. Roger ira bientôt sortir voir la mère de Daniel aujourd’hui. On est Jeudi. Le père de Daniel sort pour voir ses “clients” , alors que sa mère reçoit ses “clients” . Daniel préfère ne pas rester chez lui ce jour-là. Peut-être qu’on pourra se croiser dans le parc, ou au Médiathèque.
— Olivia…ça va un peu maintenant ? Et si on allait au Parc ? Ou alors au Médiathèque ? Qu’est-ce que tu en penses ? Ça te remontra le moral un peu, peut-être ? dis-je, espérant qu’elle accepte.
Olivia renifla, et avec les manches de son tricot rouge elle s’essuya les yeux, me regarda gravement et dit :
— Si tu crois que je veux voir Daniel, bah tu te fous le doigt dans l’œil, Mélie. Ce n’est pas Daniel qui va pouvoir me consoler.
Ah. Je comprends maintenant pourquoi elle pleurait. Papa lui manque. Papa a toujours était un sujet tabou pour maman, alors je ne connais rien de lui à part ce que Olivia me racontait sur lui. Papa a disparu avant ma naissance, alors qu’Olivia n’avait que 6 ans, c’est pour ça je ne peux pas comprendre ce qu’Olivia ressent. Je n’ai jamais eu une figure paternel autour de moi. Quand je pense à lui, je ne ressent que de la curiosité à son sujet. Peut-être que je devrais le détester pour nous avoir laisser maman, Olivia et moi. Mais étrangement je ne le déteste pas, qu’il soit encore en vie ou décédé, pour moi je le considère mort. Maman aimait Papa, mais elle ne m’aime pas car je lui ressemble trop, contrairement à Olivia qui a hérité des traits de maman.
On était sorti Olivia et moi, car elle n’avait pas à aller chez Chris aujourd’hui. Olivia avait 16 ans mais elle avait une apparence mature. Elle travaillait le lundi, le mardi et le jeudi dans Quick et ce depuis déjà 2 ans. Au début, elle venait nettoyer après la fermeture chaque 2 jours, mais cette année avec l’aide de Chris, elle a pu travailler comme caissière. Chris est le manager là-bas, et c’est lui qui lui a procuré ce travail. Apparemment Chris était un ami de mon père. Et après la disparition de Papa, il essaye de nous aider dés qu’il le peut. Mais aujourd’hui, les travaux de rénovation du fast-food commençaient.
On prit l’itinéraire pour aller à la piscine de Roubaix ( musée d’art et d’industrie André Diligent de Roubaix ). D’après Olivia, elle visitait souvent la piscine avec Papa. J’aime visiter la piscine, mais je préfère quand y a moins de monde, comme ça je peux admirer l’intérieur en calme et en paix. Heureusement pour nous, on est encore mineures, ce qui nous permet d’entrer gratuitement.
Il ne nous reste plus que quelques centaines de mètre pour arriver. Mais en passant devant un immeuble dans Rue des champs, une jeune fille plus âgée qu’Olivia nous repéra et nous interpella :
— Olivia ! Mais qu’est-ce que tu fous là encore ?Je peux savoir ce que tu fais ici? Tu devrais pas être en ce moment chez Lev…Hum “tu-sais-qui” ? termina-elle après m’avoir remarqué.
Je ne connais pas cette fille. Je ne l’ai jamais vu dans les entourages. Et je ne me rappelle pas qu’Olivia m’en a parlé non plus. Peut-être qu’elle est nouvelle ici ? Mais si c’est vraiment le cas, alors pourquoi elle parle à Olivia comme si elle la connaissait ?
Je commençai à douter de cette personne. J’ai un mauvais pressentiment. Et la façon dont elle avait parlé, ne me rassurait pas non plus. Mais de qui elle parlait ? Pourquoi elle a eu l’air si surprise quand elle me remarqua ? Plus important, pourquoi Olivia a l’air plus pale et terrifiée ? Je ne me suis jamais senti aussi perdu pendant les 10 ans que j’ai vécu. Je n’ai rien pu comprendre de cette situation.
— Ah, tu es là Iris. Euh…bah je me promène avec la fille des voisins. Elle s’appelle…euh…Nina ? Oui, elle s’appelle Nina ! Elle n’a que 10 ans et elle voulait sortir visiter la piscine, mais sa mère était occupée…alors c’est comme si je fais du baby-sitting, tu sais ? Et ne t’inquiète pas, je n’ai pas oublier le…hum…rendez-vous avec “tu-sais-qui”. Je pourrais être un peu en retard mais j’irai là-bas. Tu es satisfaite maintenant ? Alors que dit tu de nous laisser continuer notre chemin pour que je ne sois pas encore plus en retard ? mentit-elle.
Iris nous regarda toutes les deux à tour de rôle, puis soupira et nous laissa partir. Je ne sais pas pourquoi Olivia lui a menti à mon sujet, mais je préfère qu’Iris ne sache rien sur moi, tout simplement : je ne l’aimait pas. Ce n’est pas la première fois qu’Olivia essaye de cacher mon identité, mais quand ça arrivait, ça ne voulait dire qu’une chose : cette personne est une menace sur ma vie. La première fois que c’est arrivé, il y a un peu près 7 mois. Olivia m’expliqua alors qu’elle essayait de me protéger, c’est tout ce qu’elle me dit, ni plus ni moins. Je ne cherchai pas à en comprendre plus, si Olivia ne voulait pas me le dire alors pas la peine que je le sache. Je faisais confiance à elle, je savais qu’elle ne me fera jamais de mal. C’était ma grande sœur, ma seule amie, et ma protectrice.
Mais ce qui m’inquiète le plus, c’est qu’elle tremblait quand elle avait vu Iris et qu’elle lui avait répondu nerveusement. Je ressentit une appréhension au sujet de cette rencontre et la raison pour laquelle Olivia avait pleuré plus tôt. Maintenant je sais qu’elle ne pleurait définitivement pas sur Papa mais autre chose, ce qui me tourmenta encore plus que je ne l’était.
Je décidai que dans notre chemin de retour, je partagerai avec elle mes inquiétudes.
On visita la Piscine. J’espérais que cette visite la calmera un peu, mais elle était plus pale qu’avant et tremblait gravement. L’heure de fermeture arriva. Il était maintenant 18h. J’hésitai à aborder le sujet de mon anxiété. Voir Olivia dans cet état, me faisait de la peine. Je ne peux pas supporter de la voir comme ça. Elle avait l’air si faible, si fragile, et au bord de la rupture…Maintenant n’est pas le bon moment pour évoquer l’incident d’aujourd’hui.
On arriva enfin chez nous. On habitait dans un des plusieurs immeubles en briques rouges de Roubaix. On habitait dans l’arc nord-ouest de cette ville, connue entre ses habitants pour ses délinquants, son trafique de drogue, ses vandalismes, et son environnement sale.
Avant même d’ouvrir la porte, Olivia se retourna vers moi, me pris par le bras, me traîna dans un coin de la rue, et me dit l’air grave :
— Ecoute-moi bien Méline, je dois partir quelque part, et je pourrai revenir un peu en retard. Je pourrai même ne plus revenir, et si c’est le cas, ne parle à personne à part Daniel sur Iris, OK ?! C’est vraiment important pour moi ce rendez-vous. Tu dois savoir que ce que je fais est pour vous protéger : Maman, Daniel et toi. Et ne t’inquiète pas à propos de Roger, j’ai économisé assez d’argent pour qu’il ne te touche pas pendant plusieurs mois…Et à propos de Maman…je…je ne peux rien faire pour elle, je ne lui ai pas laisser d’argent. Elle doit arrêter ce qu’elle est en train de faire. Mélie, peux-tu me faire un plaisir en prenant soin de Maman ? Et si elle t’insulte ne t’en fais pas, elle ne le pense pas, ok ? S’il te plaît Méline, ne la déteste pas, elle souffre elle aussi…Et Daniel…je vais aller lui parler avant de me rendre au rendez-vous, alors ne craint rien Mélie. S’il te plaît soit forte pour moi…Je t’aime petite-sœur, je suis vraiment chanceuse de t’avoir, sinon j’aurai déjà sombré comme Maman…Je dois partir maintenant. Au revoir Méline…, termina-t-elle.
Olivia pleurait, mais je n’ai pas pu verser une seule larme, elle m’a dit d’être forte pour elle, je ne peux pas la décevoir. J’ai envie de pleurer et de crier pour qu’elle ne parte pas mais je ne peux pas. J’ai peur qu’elle nous laisse Maman et moi comme l’a fait Papa, mais je ne doit pas l’être. Papa nous a abandonné en nous laissons qu’un post-it “ne me cherchez pas”. Mais Olivia, elle ne le fera jamais ! Elle ne peux pas ! Je ne vais jamais la pardonner si elle ne revient pas ! NON ! Elle ne doit pas partir !
Olivia s’éloignait déjà. Je courus vers elle, et la pris dans mes bras par derrière. Elle se figea, puis elle commença à trembler : elle étouffait ses sanglots. Je ne pouvais plus retenir mes larmes, j’engouffrai mon visage dans son dos et commençai à pleurer à chaudes larmes.
— Oli…je t’en supplie ne pars pas ! Reste ! Ne pars pas ! Ne nous laisse pas Maman et moi ! Non ! Je t’en supplie ne me laisse pas ! Tu ne peux pas faire ça ! Si tu pars, je ne te pardonnerai jamais de ma vie ! JAMAIS ! Alors reste ! S’il te plaît…reste pour moi…Olivia, Je t’aime…tu es ma seule famille ! criai-je en sanglotant.
— Méline, ne dis pas ça, tu as Maman et Danie-
— NON ! ILS NE SONT PAS MA FAMILLE ! JE M’EN FOUS D’EUX ! JE N’AI BESOIN QUE DE TOI, OLIVIA ! hurlai-je en désespoir.
Olivia se retourna, s’agenouilla et me pris dans ses bras et me dit toujours en pleures :
— Méline, j’aimerai tellement partir de là avec toi, j’aimerai tellement qu’on vive comme les autres…qu’on ait des parents qui nous aiment, des amis avec qui partager de bons moments, qu’on part à l’école tout les jours, qu’on part chez le médecin quand on tombe malade, qu’on puisse jouer en insouciance…mais notre réalité n’est pas comme celle des autres. Mélie…je t’aime et je t’aimerai jusqu’à mon dernier souffle, ne l’oublie pas. Pour que tu ais une chance de vivre comme les autres je dois partir maintenant…et ne t’inquiète pas trop, je reviendrai demain, d’acc-
— Arrête de mentir. Je sais que je n’ai que 10 ans, mais je ne suis pas bête…Si tu pars maintenant tu ne reviendras pas, n’est-ce pas ? l’interrompis-je.
Olivia me regarda en silence, puis elle me sourit tristement. Elle caressa mes cheveux bruns et soupira :
— Désolée, mais je n’ai pas le choix…
Elle me pris une dernière fois dans ses bras, m’embrassa le front, et se mis debout. Elle se retourna, leva la tête vers le ciel, puis se mit à courir. Elle allait parler à Daniel…J’espère qu’il pourra l’arrêter. Je resta debout pendant plusieurs minutes pour voir si elle reviendra, mais elle était vraiment parti. Je soupirai, essuyai mes larmes, et me dirigea vers la maison…
Je me sentais toujours chez moi, même avec l’insécurité envers Maman et Roger, car j’avais Olivia. Mais maintenant je viens de la perdre. La maison que j’appelais chez moi me sembla tout à coup un endroit inconnue. Je ne veux pas vivre ici…
⁂ ⁂ ⁂
Comme Olivia l’avait dit, Roger ne me toucha pas pendant plusieurs semaines, mais l’argent commencera bientôt à manquer. Maman était devenu une personne barbare après ne plus avoir l’argent qu’Olivia lui laissait sous son oreiller. Ça fait déjà 1 mois et 2 semaines qu’Olivia était partie. Daniel vient chaque après-midi pour prendre de mes nouvelles. Il la cherchait partout, mais comme si elle s’était évaporée. Et jusqu’à maintenant, ni Maman ni Roger n’avaient remarqué sa disparition. Chris ne se doutait de rien, car elle avait démissionnait avant de partir…
Dans 4 jours, j’aurai 11 ans. Olivia m’achetait toujours une glace ce jour-là. Mais elle ne sera pas là cette année. J’espère qu’elle va bien, qu’elle ne souffre pas trop…J’aurai aimé aller signaler sa disparition, mais la police découvrira notre mode de vie foireux . Alors Maman finira dans un centre de traitement des dépendances et moi dans un centre d’assistance sociale ou un orphelinat. Peut-être que j’aurai une vie meilleure, mais je ne pouvais pas laisser Maman comme ça, Olivia m’avait demandé de prendre soin d’elle.
J’étais assise dehors sur le seuil de la porte, contemplant un groupe de fourmis qui essayaient de départager un bout de biscotte par terre.
— Méline ! Méline ! quelqu’un m’appela.
Je levai la tête pour trouver Daniel, en train de courir vers moi, l’air terrorisé. J’eus un mauvais pressentiment tout d’un coup…Olivia…j’espère que tu vas bien.
Daniel s’arrêta devant moi, se courba pour rattraper son souffle, mais il tremblait gravement. Il leva son visage et me regarda toujours terrifié, et me dit :
— Méline…Olivia est…
elle n’est plus dans ce monde…elle est…elle est morte…