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Chapitre 12
Après la bataille
« Pour ceux qui sont contents de rentrer chez eux »
Eorelle nous invita tous chez elle. Les enfants se réfugièrent à l’intérieur où ils reçurent l’injonction de ne rien briser.
— J’ai ramassé ta lance, me dit-elle. Elle se trouve posée là-bas. Tu l’emmèneras avec toi en partant, je préfère te savoir en sa compagnie. Désormais, elle t’appartient.
— Je dois te dire une chose, ma douce Eorelle, lui dis-je. J’ai senti la présence d’Alamarielle. Elle me l’a donnée, elle approuve notre amour et elle nous soutient.
Elle me regarda simplement, prit ma main et m’adressa un sourire qui mêlait joie et nostalgie.
— Son esprit est certainement venu lorsque tu as utilisé sa lance. Elle a dû sentir ta détresse, elle a senti qui tu étais pour moi et a décidé de t’aider. Je n’en crois pas mes oreilles, mais c’est la plus belle chose que j’aie entendue depuis des siècles. Tu as gagné un ange gardien. Et pas n’importe lequel !
Son sourire devint radieux.
Elle alla chercher ensuite de l’eau, puis elle trouva sur l’une de ses nombreuses étagères un onguent et des linges afin de nettoyer et bander la blessure de Bastien. Son office terminé, elle reprit finalement la parole :
— Tenons conseil : Cantaran, Melodia et Margaux, venez avec moi. Bastien, reste là et fais attention aux petits. Si tu veux bien.
Mon ami Bastien si docile accepta bien évidemment de rester avec les enfants.
Nous sortîmes. J’emportai avec moi la chaise en osier d’Eorelle, puis je l’aidai à marcher jusqu’au siège et à s’asseoir. Quant aux autres, nous nous assîmes par terre en cercle.
— Nous avons des choses à décider, fit Eorelle. Que faisons-nous avec les petits ?
— M’est avis qu’il est nécessaire qu’ils oublient tout ce qu’ils ont vécu, avança Cantaran. Ce sera beaucoup mieux tant pour eux que pour protéger le secret de notre existence. Il faut trouver une histoire commune qu’ils pourront raconter.
Je demandai à Eorelle si j’avais le droit de m’exprimer.
— Si je t’ai invitée à participer, c’est pour que tu puisses donner ton opinion, Margaux. Ce que tu penses est très important pour moi, car je t’aime.
— Merci à toi, tu sais que chez moi, ce n’est pas comme ça.
« Je voulais dire que ça va être difficile de les faire oublier, après ce qu’ils ont vécu !
Melodia me regarda sans aucune condescendance, mais son expression trahissait qu’elle venait de réaliser que je ne savais pas tout.
— Nous sommes mages, me dit-elle avec douceur. Nous pouvons changer leurs souvenirs pour effacer leur traumatisme. La question est : de quoi doivent-ils se souvenir…
Après avoir pesé mes mots, je finis par dire :
— J’aimerais que ma petite sœur puisse se souvenir. Soit, elle a vu des choses horribles, mais je pense que l’admiration qu’elle a eue pour Hindred pourrait atténuer sa douleur.
Eorelle en bonne amoureuse apporta immédiatement de l’eau à mon moulin :
— Je pense qu’elle saura tenir sa langue si nous lui expliquons bien les choses. C’est une petite fille intelligente.
Cantaran prit un air un peu sévère.
— Je ne suis pas de cet avis, continua-t-il, mais je suivrai la majorité. Votons. Qui est pour qu’elle garde ses souvenirs ?
— Eorelle et moi levâmes la main.
— Qui est contre ? Il fut le seul à se manifester.
— Je m’abstiens, dit Melodia. Je suis partagée entre les deux avis.
— Lydia gardera ses souvenirs. Entérina Eorelle.
— Et Bastien ? Demandai-je. Il a combattu bravement, c’est mon ami et je souhaite pouvoir partager cela avec lui.
Eorelle m’approuva de la tête.
— J’aime bien ce gamin, il est curieux de tout. Nous avons parlé un moment ensemble, fit Cantaran. Et je me dis que s’il le souhaite, il ferait un bon mage.
— Je suis d’accord, ajouta sa femme.
— Proposition acceptée, conclut Eorelle.
— Le seul problème, enchaînai-je, est qu’il n’a pas compris grand-chose à ce qui s’est passé.
Melodia prit la parole
— Nous pouvons l’aider, ainsi que Lydia. Cantaran ?
— C’est d’accord.
— Nous avons maintenant besoin d’une explication plausible pour expliquer l’absence des enfants auprès de leurs parents. La blessure de Bastien doit sembler naturelle. Elle a été causée par un objet tranchant, je le rappelle. Commença Eorelle en tant qu’instigatrice du conseil.
« Je propose déjà que Margaux et Bastien ramènent les enfants au village. Ils se seront perdus dans la forêt en jouant à cache-cache et vous les aurez trouvés.
— Quant à Bastien, fit Melodia, il aura pu se couper avec une hache du type cognée, trouvée dans la forêt, il se sera pris les pieds dans une racine avec la hache dans les bras. Margaux qui connaît la sorcière se sera rendue chez elle pour le soigner… Ce qui est approximativement vrai.
— Le conseil est donc clos. Affirma Eorelle. Maintenant il va falloir nettoyer.
« Par contre demain, si tu peux venir, Margaux, je serais soulagée, car le travail qui s’annonce risque d’être énorme.
— Avec Bastien ?
— S’il le souhaite. Mais je ne sais pas s’il pourra faire grand-chose.
— Nous pouvons peut-être vous soigner… autrement, proposa Cantaran.
— D’accord, à circonstances exceptionnelles… Répondit Eorelle. Ainsi nous n’aurons pas besoin d’explications pour la blessure. Mais vous savez que je n’aime pas ça.
— Que va-t-il se passer ? Demandai-je un peu inquiète.
— Ils vont utiliser la magie. M’expliqua mon aimée. Pourrais-tu aller chercher Bastien s’il te plaît ? Ils en ont au moins pour une heure.
Je m’exécutai. Laissant les mages faire leur travail, j’allai garder les enfants. La plupart s’étaient endormis dans un coin. Le soleil n’était pas encore couché, mais avec la journée qu’ils avaient vécue, ils étaient tous épuisés.
Au bout d’une heure, je vis une Eorelle trottinante pénétrer dans la maison, suivie d’un Bastien faisant des moulinets avec son bras pour s’assurer que tout allait bien.
— Il faut y aller maintenant, fit-elle.
Je repris ce qui était désormais ma lance et nous réveillâmes à contrecœur les enfants endormis et les fîmes sortir. Cantaran et Melodia s’avancèrent au milieu d’eux. Tous les regardaient avec des yeux écarquillés. Et les deux mages se mirent à chanter. Ce chant était somptueusement beau. Cantaran avait une voix de basse comme il en existe peu à l’opéra, tandis que Melodia aurait fait pâlir les plus grandes soprani coloratures.
Alors que Cantaran tenait une ligne de fond lentement rythmée, comme une contrebasse, Melodia, lançait des modulations virtuoses. Il n’y avait aucune parole, juste leurs voix.
Ils se mirent à marcher dans la direction du village et tous les suivirent. Arrivés à quelques centaines de mètres de l’orée de la forêt, ils nous laissèrent, les enfants, Bastien et moi et repartirent en diminuant progressivement l’intensité de leur chant, jusqu’à ce qu’on n’entendît plus rien.
— Eh bien, on rentre, les enfants ! Fit Bastien, qui avait manifestement tout compris en chemin.
Nous reprîmes la marche et ne tardâmes pas à tomber sur une patrouille de villageois qui cherchaient leurs enfants. Parmi eux, il y avait ma mère. Lydia et moi nous précipitâmes immédiatement pour l’enlacer. Tous les enfants présents se précipitèrent dans les bras de leurs parents. C’est Lydia qui prit la parole pour tous les enfants présents :
— On s’est perdus en jouant, et c’est Margaux et Bastien qui nous ont retrouvés !
« La coquine ! Elle est bien comme sa sœur, me dis-je ». Je sentis une présence sur mon côté droit. Je tournai la tête machinalement, et n’eus que le temps de voir un flash m’éblouir. Une seconde après, je distinguai mieux le paparazzi.
— Toujours dans les bons coups Margaux ! Fit Steph. Demain dans le journal, il y aura ton portrait.(1)
Fit-il en chantonnant sur un air que je ne connaissais pas.
En arrivant à l’orée du bois, nous vîmes des adultes qui attendaient là, il s’agissait principalement de grands-parents. Ils avaient apporté des tables qu’ils avaient recouvertes de gâteaux, de café et de chocolat chaud afin de soutenir ceux qui cherchaient les enfants et pour réconforter les petits lorsqu’on les aurait retrouvés.
Ce fut un moment de réconfort inespéré pour tout le monde. Et je pense surtout pour Lily, Bastien et moi, qui nous souvenions de tout. Je n’avais même pas eu mon bisou avant de partir… Le lendemain, je demanderais double ou triple ration !
J’allai vers ma mère encore toute chamboulée et la berçai contre moi en lui disant que c’était fini, que ça irait. Que les gamins avaient juste fait une bêtise et s’étaient perdus, voilà tout, ce n’était pas la première fois que ça arrivait, et on les avait toujours retrouvés. Cela sembla la calmer un peu.
Je regardai Lily qui me fit un clin d’œil. Je lui articulai sans mot dire « On parlera après ». Elle eut l’air de comprendre et hocha la tête.
Pendant ce temps, Bastien profitait de sa notoriété, faisant le beau devant les grandes sœurs intéressées par le sauveur de leur petit frère ou sœur. Quel pitre. Je l’aimais bien comme ça, mon bon vieux pote Bastien. Récupéra-t-il quelques numéros de téléphones ? Je n’en sus rien.
Je me souvins tout à coup que j’étais toujours harnachée pour la guerre, avec mon armure de cuir et ma lance, mais personne ne semblait rien remarquer. Étrange !
Avant de rentrer à la maison, je hélai Bastien :
— Tu viens demain matin avec moi pour le nettoyage ?
— OK, je ne te laisserai pas tomber, frangine.
— Je te reconnais bien là, cœur vaillant.
Nous poussâmes la porte de la maison. Mon père n’avait pas bougé de son salon, avachi devant une débilité qui passait à la télévision.
N’y tenant plus, ma mère entra dans la pièce sans prévenir, faisant voler la porte contre le mur tant elle était en colère.
— Ta fille avait disparu, et toi, la seule chose que tu trouves à faire est de te prélasser devant la télé. Quel père admirable ! Ça aurait pu être grave !
— Ah, tu l’as retrouvé, ton singe ? Fit-il simplement. Tu vois, il n’y avait rien du tout, pas la peine de s’inquiéter.
Cette fois-ci, même Lily était considérée comme moins que rien. Comme une furie, ma mère claqua la porte en ressortant de la salle.
Nous envoyâmes Lily à la douche et nous mîmes à discuter dans la cuisine. Je narrais les circonstances dans lesquelles j’avais prétendument trouvé les enfants, quand tout à coup la porte s’ouvrit, laissant apparaître mon père.
— Hugo rentre demain, je compte inviter la famille de sa copine pour dîner dimanche. Vous avez intérêt à préparer une réception digne de ce nom.
Et il quitta la pièce comme il était entré,
La petite amie d’Hugo n’était autre que Chloé Legrand, la sœur de mon ancien ami Lucas pour qui je n’avais absolument plus aucun intérêt, maintenant que j’avais compris à quel point ce garçon était détestable. Elle était en outre la fille de Madame le Maire et de son mari, le chef du syndicat agricole. Pour tout dire : des gens que je n’avais aucune envie de croiser.
— Comment va-t-on les recevoir, ces gens-là ? Me demanda ma mère. Tu vas leur faire une de tes fameuses blagues ? On leur fait un repas infect ?
— Je ne sais pas trop. Faire un mauvais plat nous retomberait dessus, c’est trop voyant aussi. Non, je pense qu’il faut que ce soit Papa qui se ridiculise, ce serait bien plus amusant. Mais je n’ai pas encore l’idée. Il faudrait qu’ils se quittent en mauvais termes. Cherchons les secrets que l’on a sur lui pour les ressortir. J’ai envie qu’ils partent en claquant la porte.
— Bon, on se note ça et on creuse, demain nous donnera peut-être la solution.
— De notre côté, on fait un repas irréprochable. Fis-je.
J’étais toujours en armure de cuir, ma lance à mes côtés et ma mère n’en avait même pas parlé.
Lorsque Lydia sortit de la douche, je passai la voir dans sa chambre pour savoir ce que le chant de Cantaran et Melodia lui avait suggéré, et comment elle se sentait. Au passage, j’avais laissé ma lance dans ma chambre.
Ils ne lui avaient pas appris grand-chose, elle avait cependant compris que ceux qui les avaient protégés étaient des elfes et qu’ils ne souhaitaient pas que leur existence soit révélée. C’était un secret qu’elle devrait garder pour elle toute sa vie. Elle avait compris que les elfes étaient comme des humains, mais qu’ils vivaient très longtemps et qu’ils veillaient sur la forêt.
On lui avait aussi expliqué qu’elle allait se souvenir de tout, mais pas ses copains. Ils ne devaient donc pas savoir. Enfin ils avaient fait en sorte qu’elle ne garde pas la peur trop ancrée en elle, même si elle était consciente que les monstres pourraient revenir.
Son sentiment était surtout lié à la prudence lorsqu’elle retournerait jouer dans la forêt avec ses camarades. Elle avait dans l’idée d’entraîner ses amis à des jeux où ils devaient passer inaperçus pour apprendre à survivre dans des situations comme celle-là. Une meneuse, ma Lily.
Elle finit par me parler d’Hindred, elle l’avait trouvé très impressionnant et très beau. Je pensai qu’elle garderait longtemps cette image en elle.
Laissant ma sœur se reposer, j’allai moi aussi m’adonner au plaisir réconfortant d’une bonne douche bien chaude. Si ou du moins lorsque je partirais vivre avec Eorelle, je ne pourrais plus disposer de ce confort.
Je fus soulagée d’enlever ma tenue de combat. Elle était bien pesante. Avant de me coucher, j’examinai ma lance. Elle avait été magnifiquement sculptée par des mains elfiques, en son centre était logée une pierre bleu saphir. Cette couleur était la même que celle de la pierre incrustée au-dessus de la porte d’Eorelle. J’imaginais qu’elle pouvait être liée à Alamarielle. Quel pouvoir avait-elle pu conférer à cette arme ?
La regardant de plus près, il me sembla que quelque chose de microscopique y était gravé. Je trouvai une loupe dans l’un de mes tiroirs et l’examinai encore plus à fond.
Ce qui était inscrit aurait pu ressembler à un code, ou une écriture. J’en repérai trois blocs bien séparés. En examinant encore la pierre, il me sembla que de son centre émanait une énergie.
J’interrogerais Eorelle, ou peut être un des deux mages pour essayer de savoir ce qu’ils auraient à me dire sur le sujet.
Pour l’heure je fis un petit tour sur le web pour consulter le site du journal local. L’article sur la découverte des enfants perdus était déjà en ligne. J’étais présentée comme une héroïne aux côtés de mon ami et non moins héros Bastien. La photo que Stéphane avait prise de moi était là. J’étais à côté des gamins et de leurs parents en jean et T-shirt, un bâton de marche à la main. J’aurais dû être surprise, mais ne le fus qu’à moitié. Quelque part je devais m’y attendre un peu, ou peut-être que ma capacité à être étonnée de faits étranges s’était émoussée.
Une petite sonnerie me prévint de l’arrivée d’un SMS.
Stéphane : « Soupçon confirmé, le cachet contenait effectivement de l’arsenic. »
Margaux : « Super, on va pouvoir prouver que grand-père a été empoisonné par le toubib. On prévient la gendarmerie ? »
Stéphane : « Il va falloir, je pense. Comme ça, on pourra trouver les autres victimes. Tu vois avec lui si on peut envoyer tout ça ? »
Margaux : « OK »
Le lendemain je n’aurais pas le temps avec tout le travail de « nettoyage » que nous devions faire avec Bastien et les elfes. Je devais donc demander à ma mère d’aller poser la question au temple. J’allai voir si elle dormait et comme ce n’était pas le cas, je pus transmettre le message.
Puis j’allai me coucher, épuisée. Après cette journée macabre, je redoutais les mauvais rêves et fis usage de l’essence de violette. Les rêves que je craignais n’arrivèrent fort heureusement pas. Ceux que je fis me guidèrent dans les méandres de la pierre accrochée à ma lance. Dans ma tête, ce code ou cette écriture avait pris un sens, mais celui-ci disparut avec le réveil. Était-ce réel ou mon cerveau avait-il inventé quelque chose ? Je ne le saurais jamais.
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1 Renaud Séchan : C’est mon dernier bal : « Demain dans le journal y aura mon portrait »
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J’ai hâte de lire la suite, comme toujours.
Belle suite.
Merci à vous deux Laure et Claudia !
Que cette pierre bleue intrigue ! Et la vérité qui sort souvent dans les rêves, j’aime beaucoup ! Et merci pour le clin d’œil à une chanson de Renaud pas si connue, ça m’a fait sourire !
J’étais fan de Renaud quand j’étais ado !
Comme toujours un beaux chapitre, plein d’émotion et d’autre mystère ! Bien vu le coup de l’armure invisible au yeux des humains !
Merci pour les encouragements ! Il fallait trouver un truc explicatif pour les armes, … C’est quand même bizarre de se trimbaler en armure de cuir et avec une lance de nos jours ! 😀
Je te confirme que je suis contente d’être entrée dans ce chapitre mélodieux, me laissant emporter par les voix de Mélodia et Cantara ! J’ai rêvé de m’emparer de la pierre bleu saphir…
J’ai beaucoup aimé écrire ce passage en particulier !